D'Ankara à Amasya, les cinq heures de trajet prévues se transforment en six. Pour m'occuper, je décris ce qui se passe autour de nous.


La gare routière

C'est avec le métro qu'on arrive à la gare routière. On fait la queue pour passer la sécurité et entrer dans le terminal. Pour ça, on passe les sacs sur les rails des rayons X, on pose nos téléphones sur le côté et on passe la porte de détecteur de métal. Robin bipe en passant (porte-monnaie etc.), ça n'a pas l'air d'inquiéter le garde.

Les stands des compagnies de car se succèdent le long du couloir central. Il y a même plusieurs compagnies par stand, leurs logos s'empilent là où il y a de la place. On nous aborde de tous les côtés pour nous vendre des places. Mais on est déterminé·es à trouver Mis Amasya Tur : on a déjà pris les billets en ligne. Stand n°31, nous dit la dame de l'information sans une seconde d'hésitation.

Dans le hall de la gare routière d'Ankara. Le couloir est bordé de stands pour des compagnies de car aux logos colorés.
La gare routière d'Ankara

L'attente

On a une heure à attendre avant l'arrivée de notre car. On s'installe au chaud à l'intérieur, devant notre plateforme (peron 22), dos aux grandes vitres donnant sur les cars. Robin nous ramène des simit pour le petit-déjeuner et deux sandwichs de pain mou sous cellophane pour midi. On n'aurait pas forcément choisi ce mets dans une autre situation, mais comme on aperçoit une dame en acheter deux pour son trajet, on décide de la copier pour vivre la vraie expérience.

En face de nous s'alignent quelques stands : un kiosque (qui vend notamment les sandwichs mous), un magasin d'électronique, un magasin de çiğ köfte, un autre kiosque, etc.

Alors qu'on mange nos simit, un monsieur poussant une espèce de caddie en annonçant çay, çay, entre dans notre champ de vision. On l'arrête et on en commande deux — iki çay lütfen.

Un monsieur pousse son grand caddie orange sur la plateforme des cars. Sur le caddie, on voit la bouillote d'eau et la théière.
Le caddie à thé

Le car

Notre car arrive. Le chauffeur a l'air grognon et ne semble pas vouloir communiquer. On finit par comprendre qu'il faut mettre les sacs à dos de l'autre côté dans la soute.

On va s'asseoir à nos places, deux sièges en faux cuir très confortables. Il y a du wifi (mais on n'a pas le mot de passe), une prise pour charger les téléphones, et la clim. On finit par avoir froid, puis chaud lorsqu'ils passent de la climatisation au chauffage.

Cinq minutes après le départ, on s'arrête sur le bord de l'autoroute. Le garçon de bord sort du car, suivi du chauffeur. Y a-t-il un problème ? Une panne ? Deux minutes plus tard, un autre car s'arrête devant nous. Un père et sa fille descendent et courent dans notre direction. Ils montent en parlant fort avec le chauffeur. Notre car redémarre. C'était moins une.

Le chauffeur

Heureusement que le chauffeur a deux mains, parce que l'une d'elles est constamment occupée à tenir son portable contre son oreille. On met nos ceintures.

Quelque temps plus tard, le chauffeur raccroche et passe du téléphone à la cigarette. Le bon côté des choses : il fait moins chaud avec l'air frais qui entre par sa fenêtre.

Plus loin, à la traversée d'une petite ville, un feu devient rouge. Le chauffeur hésite, puis accélère. Il grille deux feux rouges avant de reprendre sa vitesse initiale, satisfait.

Vue sur le chauffeur et sur la route. Dans le rétroviseur, on le voit au téléphone, une main sur le volant.
Notre chauffeur au téléphone

Le paysage

Autour d'Ankara, tout est morne et gris. Aussi loin que l'on regarde, il y a des collines où s'entassent des barres d'immeubles. Beaucoup sont encore en construction. Des petits arbres, des buissons secs, des lignes d'électricité, quelques bouts de terre aux couleurs délavées, des immeubles qui se ressemblent tous, des minarets se frayant un chemin vers le ciel.

Que font les gens qui vivent là ?

"Blocs d'immeubles au milieu de collines vides"

"Bloc d'immeubles en haut d'une colline au loin. Au premier plan, une route."

Puis c'est la plaine d'Anatolie, ses montagnes sableuses taillées par l'érosion, des champs de cailloux à leurs pieds. Au fur et à mesure qu'on s'approchera de la mer Noire, les champs se feront plus verts, quelques forêts d'épineux apparaîtront.

"Montagnes érodées de la plaine anatolienne"

Le service

Alors qu'on commence à être bien confortables, le garçon passe dans le couloir avec des boissons. Iki çay lütfen, il nous tend à chacun·e un petit paquet en plastique contenant un sachet de thé noir, un sachet de sucre, et une touillette. De son thermos, il nous verse de l'eau chaude dans deux tasses en papier.

"Un çay (thé) servi dans le car, posé sur une tablette devant nos siège."

La pause

Il est 12 h 45, on se réveille suite à une secousse du car. On n'a pas très faim, mais il n'y a pas tant de choses à faire dans ce car. On décide de manger nos délicieux sandwichs. On les sort de leur couche de cellophane brillante. Ils ont l'air de déborder de bonnes choses, les morceaux de fromage, jambon et concombre tombent presque sur le côté. Les couleurs sont sursaturées, synthétiques.

On ouvre les sandwichs pour observer toutes ces bonnes choses. Seule la moitié du pain est fourrée sur la longueur. Quel coup bas.

"Deux sandwichs sous cellophane, on voit le jambon rose pétant, fromage et concombre déborder sur le côté"

La vraie pause

15 minutes plus tard, le chauffeur annonce quelque chose au micro. Il s'arrête sur une aire pleine de cars, en face d'un grand bâtiment. Tout le monde s'active autour de nous. Est-ce qu'on aurait dix minutes de pause ? À force de gesticulations, l'un des passagers (le seul ayant un bras dans un plâtre) nous fait comprendre qu'on a une demi-heure de pause ! Tout le monde se dépêche de descendre pour commander à manger à l'un des nombreux restaurants. Zut alors.

Alors qu'on pense encore à nos tristes sandwichs, on se réconforte avec un café turc et un sütlaç. On se réchauffe au soleil avec une vue magnifique sur notre car se faisant laver à grande eau. Le monsieur qui le lave a une sorte de tuyau d'arrosage se finissant sur une longue brosse en plastique. Il peut ainsi arroser le véhicule tout en le frottant énergiquement. Les cars sont alignés, chacun attendant son tour pour retrouver son plus beau brillant (qu'il perdra quelques heures plus tard sur les routes poussiéreuses).

Notre car se fait laver par un monsieur avec un tuyau d'arrosage se finissant sur une brosse
Il est pas beau ce car ?

Le contrôle

On s'arrête au milieu de nulle-part sur l'autoroute. Des policiers nous attendent. On fait comme tout le monde, on sort nos papiers d'identité. Un policier empile nos deux passeports rouges pétant dans un sandwich de cartes d'identité turques blanches. Juste devant la porte du car, il prend toutes les cartes en photo, ils ont l'air surpris par nos passeports.

L'arrivée

À l'arrivée, on se rend compte que la gare routière est très loin du centre. Heureusement qu'on maîtrise maintenant quelques mots de turc. On demande à plusieurs personnes s'il y a un servis, un minibus gratuit qui relie la gare routière au centre.

Il y en a bien un, où tout le monde entasse ses valises et sacs à l'arrière. Dans les tournants, les valises roulent et tombent dans les escaliers. Personne ne bronche.

15 minutes plus tard, on arrive vers le centre-ville. On profite qu'un local dise au minibus de s'arrêter pour embarquer nos sacs et descendre au même "arrêt" — si arrêts il y a.

On n'a pas besoin de lever les yeux pour voir les falaises plonger dans la rivière qui traverse Amasya. On a quelques jours pour profiter de cette ville encaissée entre les montagnes, et reprendre notre souffle avant le prochain car.

"La rivière qui traverse Amasya, bordée de maisons traditionnelles ottomanes, surplombées par des montagnes rocheuses"

— clara

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