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Khiva, intramuros
All you need is plov
On passe les grandes murailles de la forteresse de Khiva (en ouzbek : Xiva) pour entrer dans Itchan Kala — la cité intérieure. Les murs sont couleur sable, le silence règne. Il n'y a pas un chat entre les bâtiments en terre-paille.
Khiva est bondée de touristes durant la journée, mais s'y promener à l'aube ou au crépuscule en fait une expérience paisible et unique.
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C'est donc apparemment une question de saison. En plein hiver, pas beaucoup de touristes à Khiva. Les boutiques, restaurants et hôtels en profitent pour fermer leurs portes, prendre des vacances et faire des rénovations avant le retour des beaux jours.
Comme tant de ces lieux qui ne vivent que par et pour le tourisme, Khiva est vide en saison basse. Durant deux journées entières, on a l'impression d'être presque seul·es dans cette cité historique.
Retour à l'ère des khans
Impossible d'explorer la région sans s'intéresser à son histoire.
On ne sait pas exactement quand Khiva a été fondée. La ville fait partie de la région historique de Khwarezm, une oasis entre les déserts du Kyzylkoum (à l'est) du Karakoum (au sud) et de l'Ustyurt (à l'ouest), qui a abrité différentes cultures dès l'âge du bronze.
Au VIe siècle av. J.-C., l'oasis est intégrée dans l'Empire achéménide, puis dans les dynasties grecques après le passage d'Alexandre, puis dans l'Empire sassanide, puis devient le cœur de l'Empire khwarezmien avant sa chute face aux Mongols. Après la division de l'Empire mongol, la région est disputée pendant encore quelques siècles par les états qui lui succèdent (Timourides, Horde d'or, etc).
Finalement, au XVIe siècle, un nouvel état se crée des cendres de l'Empire mongol : le khanat de Khiva1. Khiva devient capitale.
C'est l'âge d'or de la ville, qui devient the place to be pour acheter et vendre des esclaves en Asie centrale (sympa, sympa) : Perses, Russes et peuples turcs sont vendu·es entre les stands de chaussettes et d'électronique (probablement).
C'est durant cette ère qu'une grande partie de Itchan Kala est construite, notamment grâce à la contribution bénévole de nombreux esclaves.
Les années sont néanmoins comptées pour le khanat de Khiva. Il passera d'abord aux mains de l'Empire russe en 18732, avant d'être renversé par les bolcheviks en 1920. L'ancien khanat est séparé en deux quand il est intégré à l'Union soviétique : une partie finit dans la RSS d'Ouzbékistan, l'autre dans la RSS du Turkménistan.
Piétinement sur le palier
On a beaucoup hésité, mais on décide finalement de ne pas payer le ticket qui permet de visiter l'intérieur de certains bâtiments de Itchan Kala.
Vous l'apprenez peut-être pour la première fois ici, mais [roulement de tambour] on n'est pas de grand·es passionné·es de l'architecture islamique d'Asie centrale. Donc payer le prix fort pour entrer dans quelques vieux bâtiments transformés en hôtels et/ou restaurants, bof bof.
On se contente des rues et des façades, ainsi que de jeter un coup d'œil aux intérieurs depuis les paliers des monuments. Touristique ou pas, Khiva reste impressionnante.
Au-delà du pays des merveilles
Après une journée à explorer les recoins de Itchan Kala avec quelques autres touristes et beaucoup de vendeur·ses de souvenirs ("Very cheap! Almost free!"), on va voir ailleurs.
On pousse le tourniquet qui nous fait retourner dans le monde réel, de l'autre côté des murs de la forteresse.
De ce côté-ci, fini les maisons de sable instagrammables et les minarets aux motifs turquoise. Les gens nous observent curieusement, on se trouve clairement du mauvais côté du mur.
Le mauvais côté du mur, ou peut-être le bon. On marche vingt minutes avec une destination très claire : un restaurant de plov.
On arrive en même temps que les locaux pour le service de midi. Comme tout le monde, on s'installe à une table traditionnelle, à genoux ou en tailleur sur un coussin.
Le serveur vient à nous avec un plateau couvert de salades dans des petites assiettes. On est un peu perdu·es, mais il nous fait comprendre qu'on peut choisir celles qui nous plaisent. Pas de menu ici, on mange du plov et c'est tout. On l'accompagne de pain et d'une salade de carottes ou de tomates (ou même les deux), à choix.
Dix minutes plus tard, on nous amène un magnifique plat de plov digne de nos rêves les plus majestueux.
On plonge dans le plat sans avoir aucune idée de comment s'y prendre. Ce n'est que du riz, ça ne devrait pas être si compliqué, non ?
On remarque par la suite que nos voisins de gauche attaquent leur plat de manière très stratégique.
- Tout d'abord, se laver les mains au lavabo près de l'entrée.
- Lorsque le plat partagé arrive à table, se mettre à deux pour déchirer le piment séché et en répandre les graines tout autour du plat, sur le riz. Pourquoi à deux ? Car on ne se sert que de la main droite pour manger.
- On mélange la partie riz, mais laisse la viande superposée au milieu du plat
- À partir de là, c'est chacun pour soi. On tire le riz vers soi pour l'aplatir contre le rebord du plat et former une boule. On ramasse cette boule pour l'amener à sa bouche le plus proprement possible.
On doit vous avouer qu'on a vu des techniques plus ou moins élégantes et avancées. Certains se servaient de leur main en entier, d'autres seulement de leurs doigts. On en a aussi vu d'autres choisir l'option cuillère, comme nous.
Tout le monde s'accorde lorsque le plat est vide : on a bien mangé.
Khiva figure sur tout itinéraire touristique typique en Ouzbékistan pour sa cité intérieure (enregistrée à l'UNESCO). C'est sûr, un tourisme du type doit booster l'économie de la ville et du pays. Mais en tant que visiteur·se, on marche dans cette ville-musée avec le sentiment que Khiva a un peu vendu son âme.
Les bâtiments historiques sont transformés en hôtels, les habitations se vident et deviennent échoppes de souvenirs. Plus personne n'habite dans Itchan Kala. Les touristes viennent et prennent leurs photos, comprenant à peine ce qu'ils regardent (nous les premier·ères).
La ville où vivent les presque 100'000 habitant·es de Khiva a été complètement déplacée hors des murs. Ceux et celles qui s'y aventurent y trouveront du très bon plov.
— clara & robinFootnotes