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Lanzhou, City of Best Noodles
Pause culinaire dans la ville de la soupe de nouilles au bœuf
Après Ürümqi on se sépare de Clo : on prend le train de nuit pour Lanzhou (兰州, Lánzhōu), elle continue directement jusqu'à Xi'an (où on la retrouvera).
Ville des routes de la soie (encore une)
Lanzhou est une ville d'importance sur les routes de la soie : elle est située au bord du fleuve Jaune et à l'extrémité est du corridor du Hexi. Toute marchandise (ou agresseur) venant de l'ouest devait donc passer par là et traverser le fleuve avant d'arriver à l'ancienne capitale de la dynastie Han, Chang'an (aujourd'hui Xi'an). Pratique pour se défendre — et pour lever des taxes.
Lanzhou essaie aujourd'hui de se démarquer. Elle n'est pas qu'une autre ville des routes de la soie, non : elle est la City of Best River ("Ville de Meilleure Rivière").
City of Best Noodles
Pour être honnêtes avec vous, à ce moment du voyage, on avait un peu abandonné l'idée routes de la soie1 — ce n'est pas pour ça qu'on est là.
On est là pour un bol de nouilles.
La soupe de nouilles au bœuf de Lanzhou, ou Lánzhōu lāmiàn ("nouilles étirées à la main") pour les connaisseur·ses, est considérée comme une des toutes premières soupes de nouilles. L'histoire dit que le plat a été inventé par l'ethnie hui musulmane pendant la dynastie Tang (618-907 EC). On trouve aujourd'hui des restaurants de Lánzhōu lāmiàn aux quatre coins du pays, souvent tenus par des Hui, et reconnaissables grâce à leur devanture vert-pomme (couleur associée à la cuisine halal).
L'influence des Lánzhōu lāmiàn a largement dépassé les frontières de la Chine. Le ramen japonais vient des lāmiàn2. Le laghman d'Asie centrale vient des lāmiàn.
Un bol de Lánzhōu lāmiàn bien réparé suit la composition suivante : "un clair, deux blanc, trois rouge, quatre vert, cinq jaune".
- clair — Le bouillon doit être clair. Contrairement à d'autres soupes de nouilles plus épaisses, le bouillon des Lánzhōu lāmiàn est léger et doux. Il est à base de bœuf, d'herbes et d'épices.
- blanc — Les tranches de radis doivent être blanc comme neige.
- rouge — La sauce piquante doit être rouge pétant.
- vert — Les herbes aromatiques (oignons verts, coriandre...) doivent être fraîches et vertes
- jaune — Les nouilles doivent être jaunes. Il s'agit de nouilles de blé, à l'inverse des soupes de nouilles du sud du pays qui ont tendance à utiliser des nouilles de riz.
Les nouilles (les lāmiàn) sont bien sûr la star du plat. Elles sont étirées à la main : le cuisinier commence avec un pâton, qu'il étire en longueur, et replie sur lui-même. Il se retrouve avec une boucle, qu'il étire, replie sur elle-même, et ainsi de suite. Un peu de math : après six replis, combien y a-t-il de fils entre les mains du cuisinier ?3
Après tout ce processus d'étirements et de replis, il y a toujours une seule nouille ! On peut choisir son épaisseur à la commande, souvent parmi huit niveaux allant de "épais" (style laghman) à "fin comme un cheveu". L'épaisseur par défaut est un peu plus fine qu'un spaghetti.
Comme vous pouvez l'imaginer, ce n'est pas le plat le plus facile à faire à la maison. Heureusement, comme les nouilles tirées à la main sont devenues très à la mode ces dernières années4, on trouve plein d'explications et de recettes sur YouTube5. Mais ça prend quand même du temps à maîtriser — il y a des écoles spécialisées à Lanzhou qui forment des chefs à faire uniquement des lāmiàn.
Contrairement aux spaghetti, les lāmiàn ne poussent pas sur les arbres.
Manger dans les ruelles
De ce qu'on a pu observer des villes chinoises (après un total de deux villes), pour trouver la meilleure nourriture, il faut quitter les grandes avenues et prendre les petites ruelles.
Le soir, certaines de ces ruelles se transforment même en marchés nocturnes animés. On se rend au marché de la rue Zhengning pour goûter un max de street food. Présentations.
On aimerait goûter encore plus de choses — des galettes de patates épicées, une sorte de taro transparent, du tofu noir, des chips dans des sacs plastique avec différents mélanges d'épices, des grillades, des briques de tofu au piment, des sortes d'onigiri, des burgers chinois à la viande hachée, des raviolis sautés... mais on n'a plus faim ! Ça sera pour la prochaine fois.
Dune 2
En dehors de manger, on a fait un total de une — oui, une seule — chose considérée touristique à Lanzhou : traverser le fleuve Jaune pour monter sur la colline de la pagode Báitǎ.
C'est tout ce qu'on a à dire dessus.
Beaucoup plus intéressant : on a été au mall.
En fait, on voulait surtout s'abriter de la chaleur de l'après-midi dans un endroit climatisé. Et on s'est rendu·es compte que Dune 2 est sorti au ciné. Ça sera parfait.
...sauf que le ciné en Chine, c'est compliqué.
On arrive devant la caisse, demande deux places à la vendeuse. "Vous avez l'application ?" Quoi ? Non, mais on est juste là, on ne peut pas juste acheter des billets ?
Apparemment pas.6
Notre carte eSIM choisit ce moment pour perdre la connexion internet, donc pas de réseau pour installer l'appli. Une vendeuse nous partage sa connexion et nous aide à l'installer et à s'inscrire, c'est toute une histoire, tout est en chinois, il faut un numéro de téléphone local et on n'en a pas (elle met son propre numéro).
Finalement on arrive à sélectionner les places... et au moment de payer, notre carte étrangère est rejetée (cartes chinoises uniquement). On commence à désespérer, mais à ce moment, un monsieur qui était là prend des places pour nous, et on le rembourse directement via Alipay. On se cramponne à nos petits billets papier jusqu'à l'heure de la séance.
Le film était en V.O. (anglais). Mais les dialogues en fremen (langue fictionnelle de l'univers de Dune) n'étaient sous-titrés qu'en chinois. On a plus ou moins compris.
On sort de la salle et du mall, récupère nos sacs à l'hôtel, et prend notre prochain train de nuit pour Xi'an.
— robin & clara Comme on l'écrivait dans C'est terminé, le concept est tellement vague et tellement surexploité pour le tourisme que l'idée de "suivre les routes de la soie" nous paraît assez vide de sens. On laisse l'expression aux agences de voyage. ↩ Les expert·es sur Wikipédia disent que si le terme "ramen" est en effet dérivé de "lāmiàn", le plat lui-même est en fait originaire des nouilles tangmian de Guangzhou (sud-est de la Chine), d'où venaient la majorité des habitants du Chinatown de Yokohama, où le ramen aurait vu le jour au début du XXème. ↩ Réponse : 64 ↩ On recommande celle de Andong (en anglais) qui explique très bien le secret de l'élasticité de la pâte. ↩ Ça ne nous étonne qu'à moitié : on avait tout de suite remarqué l'amour des Chinois·es pour leurs applications à notre arrivée à Ürümqi. ↩Footnotes