Tbilissi, la capitale de la Géorgie, a une histoire compliquée. Stratégiquement placée entre l'Asie et l'Europe, tout le monde a voulu en prendre le contrôle à un moment ou à un autre.

Wikipedia le résume bien :

Capture d'écran de l'histoire d'affiliations de la Géorgie. On voit que la région est passée par une quinzaine de différentes puissances.

On peut ainsi y trouver des constructions de différentes époques et de styles très variés. Il reste cependant très peu de bâtiments qui prédatent l'Empire de Russie (1801–1917) — suite à la bataille contre les Qajars en 1795, la ville est complètement détruite.

De nos jours, comme dans tous ces pays de l'ex-URSS, on voit beaucoup de ces blocs soviétiques brutalistes — denses et fonctionnels. On a lu qu'ils ont été construits pour répondre à une croissance rapide de la ville après la Deuxième Guerre mondiale. Il y a d'ailleurs des quartiers entiers qui ont été érigés en l'espace de quelques années.

Résultat de cette crise de logements : les khrouchtchevkas (russe : хрущёвка), édifiées lorsque Nikita Khrushchev était au pouvoir.

Khrouchtchevka et brezhnevka

Une khrouchtchevka est le surnom d'un immeuble d'habitation en brique ou en panneaux de béton de 3 à 5 niveaux. Le modèle est développé en Union soviétique au début des années 1960 et est réutilisé massivement. (Wikipedia)

Dans les années 1960, le slogan soviétique est : "À chaque famille — son propre logement, bien que petit !" Typiquement, un appartement fait de 30 m2 à 60 m2 (d'après s'il a une, deux ou trois pièces), en plus d'une petite cuisine et d'une salle de bain. Le plafond est fixé au plus bas, à 2,5 m de hauteur — il est dit que Krushchev a levé le bras et a déclaré que cette hauteur serait suffisante.

Le mouvement "tiny-house" (à la mode en ce moment) ne ferait pas le poids face aux khrouchtchevkas. Les expert·es de l'époque estiment qu'un mètre d'espace dans la salle de bain est suffisant pour pouvoir se sécher avec une serviette. Dans la cuisine, on peut préparer un repas sans bouger de devant les fourneaux : pratique, tout est à porté de bras.

Quelques années plus tard, la direction change, Leonid Brezhnev est au pouvoir et donc maintenant on construit... des brezhnevkas (russe : Брежневка). Attention, ce n'est pas tout à fait la même chose que la khrouchtchevka. La nouvelle brezhnevka, supérieure, peut atteindre jusqu'à 17 étages.

Les cuisines s'agrandissent, on a maintenant des ascenseurs et des chutes à déchets intégrées. On remarque aussi que Brezhnev est plus grand que Khrushchev, les plafonds atteignent 2,7 m de hauteur.

60 ans plus tard

Les khrouchtchevkas étaient parfois bâties en deux semaines à peine et à des coûts imbattables. On estimait leur durée de vie à 25 ans — 50 pour les plus robustes. L'objectif était de temporairement répondre au besoin de logements, pour ensuite détruire et remplacer ces habitations spartiates lorsque le communisme serait à son apogée (prévue dans les années 1980). Comme on a pu le remarquer, ça ne s'est pas déroulé exactement comme prévu.

De nos jours, énormément de propriétaires ont pris le contrôle architectural et rénové leur petit carré de maison. Les balcons s'agrandissent, des appartements voisins fusionnent, des fenêtres s'ajoutent, les murs tombent. On voit alors apparaître des patchworks de balcons de couleurs, de matières et de formes différentes.

Les khrouchtchevkas des années 1960-1980 devaient donc tenir 25 ans. Aujourd'hui, il y en a encore 700 à Tbilissi — on vous laisse faire le calcul, elles ont expiré depuis longtemps. Il y a quelques années, la ville a d'ailleurs lancé un projet de rénovation de ces vieux bâtiments. L'objectif est de les remplacer par des immeubles résidentiels plus modernes. Si beaucoup se réjouissent de ces changements, d'autres sont moins content·es : lorsqu'une famille a investi temps et argent dans son appartement khrouchtchevkaien pimpé, elle ne veut pas toujours s'en séparer.

Tbilissi en photos

Malgré toute les lectures très théoriques qu'on a fait sur le sujet, on reste des pives en architecture. On n'est pas très sûr·es de faire la différence entre une khrouchtchevka, une brezhnevka ou un autre immeuble un peu triste en béton gris.

Donc on va faire simple et vous montrer une série de photos de bâtiments (à priori) brutalistes et vous laisser en juger par vous-mêmes.

Robin prend en photo un bâtiment brutaliste La partie supérieure d'une khrouchtchevka grise, les balcons sont dépareillés, de différentes formes et couleurs
On en a pris des photos de blocs soviétiques.

Façade d'une khrouchtchevka, certains balcons sont plus grands que d'autres, des habits sèchent à l'air libre.

Un bloc de bâtiments soviétiques, avec une vue sur les montagnes en fond.

La partie supérieure d'un bâtiment brutaliste. Il est gris, semble en béton et a des décorations simples sur la bordure du haut.

Vue sur des khrouchtchevkas depuis un balcon.

Sur la droite, un grand immeuble. Droit devant nous, les montagnes.
On passe derrière un grand immeuble, et tout d'un coup, le paysage s'ouvre.

On sort du centre pour aller visiter Saburtalo, un quartier construit en l'espace de quelques décennies. On y voit encore de nombreuses khrouchtchevkas et brezhnevkas qui qui côtoient aujourd'hui des immeubles plus modernes.

Deux bâtiments colorés au style soviétique.

Une grande route devant nous, sur la droite un bâtiment moderne tout en verre. Au loin, des quartiers entiers de khrouchtchevkas.

Une université tout en béton et lignes dures.

Tout à l'ouest de Saburtalo, on monte dans le "Skybridge", un complexe de trois immeubles de 14 étages construits entre 1974 et 1976 (gigantestques pour l'époque), reliés par des ponts métalliques. Dans les années 1970, on planifiait d'agrandir ce quartier pour créer une sorte de micro-ville connectée par des ponts aériens. Le projet a dû s'arrêter après les trois premiers blocs suite à un manque de fonds — dommage.

Vue du bas : deux bâtiments du Skybridge reliés par un pont métallique rouillé.

On est sur le pont du Skybridge, Robin regarde au loin.

Vue du Skybridge. Au premier plan : un bâtiment du complexe. Au fond : le reste du quartier de Saburtalo.

À travers une ouverture en demi-cercle, on aperçoit un bloc de bâtiments soviétiques.

Le côté d'un bâtiment du Skybridge, ses lucarnes sont découpées en forme de trèfles à quatre feuilles. On voit le reste de la ville en fond, des nuages blancs sur le ciel bleu.

Vue plongeante depuis le pont du Skybridge, la ville est à nos pieds, ça donne le vertige. Photo zoomée sur une brezhnevka qu'on voit depuis le Skybridge. Sur le côté, les balcons sont complètement dépareillés, de toutes les couleurs et de toutes les tailles.
On a presque le vertige.

À Tbilissi, il n'y a de loin pas que des blocs soviétiques. Les architectes se lancent dans des projets futuristiques qui côtoient sans problème les vieilles khrouchtchevkas.

Un long bâtiment rose brutaliste, aux lignes très droites. Derrière lui, deux tours modernes en verre.

Trois bâtiments super modernes aux formes innovantes. Ils sont couverts de baies vitrées.

Les khrouchtchevkas ont déjà tenu 60 ans ; on dit qu'elles pourront sûrement en tenir plus de cent. Petit calcul rapide : rendez-vous à Tbilissi en 2064 !

— clara & robin

Commentaires

Les commentaires ne sont pas disponibles actuellement. Pour nous répondre ou pour réagir à l'article, envoyez-nous un email !