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Une journée à Tbilissi
Cafés, cantines et cinémas
On écrit ces lignes à l'aéroport de Tbilissi, où on se prépare à s'envoler pour Bakou. Un vol d'à peine une heure mais obligatoire, puisque la frontière terrestre avec l'Azerbaïdjan est toujours fermée (dommage).
On est arrivé·es beaucoup trop en avance alors on a pris un café hors de prix à Costa (23 GEL, le double du prix des meilleurs cafés de spécialité en ville, vive l'aéroport). Au moins on a une chouette vue sur le tarmac embrumé, une prise pour nos ordis, et deux heures à tuer avant notre vol.
C'est comme ça que se termine notre semaine à Tbilissi, ou dix jours si on compte les passages plus courts avant et après notre aller-retour en Arménie. C'est pas énorme, mais on a eu le temps de bien s'y faire ! Au moment de partir on s'y sent presque à la maison : on a une routine, on est des habitué·es au café du coin, on est à l'aise avec les transports, on parle dix mots de géorgien (30-40 si on compte les noms de plats).
Voici à quoi ressemblaient nos journées.
Une bonne nuit de sommeil
On se réveille autour de 9 h à notre Airbnb du quartier de Chugureti, sur la rive gauche de la rivière Koura. On dort des longues nuits de neuf heures et plus, peut-être qu'on a du sommeil à rattraper.
Météo du jour : ensoleillé, températures autour de 0 °C le matin qui remonteront autour de 5 °C dans la journée.
...mais ça, on ne le sait pas avant de sortir : les fenêtres de notre Airbnb donnent sur une cour intérieure couverte. On a déjà été surpris·es par la pluie en sortant de l'immeuble.
On met nos écharpes, enfile nos pulls, nos vestes, nos chaussures de marche, et on sort du bâtiment. Un coup d'œil vers le ciel : aujourd'hui il fait beau, mais le froid nous en paraît encore plus mordant. On marche vite pour se réchauffer.
La boucle café-petit-dej
On n'a pas de café à l'appartement, donc trouver une source de caféine est une priorité au réveil. Il faudra petit-déjeuner aussi, si possible en évitant un énième khachapuri1 à la boulangerie, sous peine d'overdose de fromage (oui oui, même pour nous).
Notre solution : la boucle café-petit-dej, où on sort acheter des ingrédients pour un petit-dej à la maison, en s'arrêtant pour un café sur le chemin.
Premier stop : une petite épicerie au bout de notre rue qui vend surtout des fruits et des légumes.2 On achète des champignons de Paris (les seuls en vente).
On continue à la queue leu leu sur le trottoir étroit de la ruelle Tsinamdzghvrishvili3, prend à droite sur Marjanishvili, et finalement, c'est l'heure du café. Groovy Coffee Roasters est un petit café-torréfacteur du quartier qui a l'avantage d'ouvrir tous les jours à 8 h. En entrant, on est accueilli·es chaleureusement par le petit chien saucisse d'un·e des employé·es. On boit deux flat whites et discute de ce qu'on va faire aujourd'hui.4
Café terminé et beaucoup mieux réveillé·es, on descend le long de Marjanishvili, en passant à côté d'une église orthodoxe russe et de plein de petites épiceries. L'autre jour on s'est arrêté·es dans l'une d'elles pour acheter une sauce tkemali : sauce géorgienne de pruneaux verts avec de l'ail, cumin, coriandre, aneth, piment, et pouliot (dixit Wikipédia). La sauce est acidulée, un peu relevée par le piment, et un excellent condiment pour des viandes, des légumes au four... et pour notre petit-dej à la maison. Aujourd'hui pas de stop, il nous reste de la sauce au frigo, ça vient en bouteille de 0.5 L.
Pour notre petit-dej on a donc des champignons, de la sauce tkemali... il ne manque que le pain. C'est notre arrêt préféré de la boucle (après le café, il faut pas exagérer) : une boulangerie typiquement géorgienne qui ne vend qu'un seul type de pain, le shoti. C'est un long pain plat cuit dans un "tone", four géorgien circulaire similaire à un four tandoori. Pour la cuisson, c'est toute une histoire. C'est tellement bon quand ça sort du four que tout le monde mange les extrémités du pain avant d'arriver chez soi (comme le crotchon d'une baguette encore chaude).
Pour clore la boucle, on marche le long de l'avenue Aghmashenebeli en mâchant nos crotchons et à grands pas, pour arriver avant que le pain ne soit froid. À l'Airbnb, on fait revenir les champignons dans la poêle trop petite de la kitchenette, et on les mange avec le pain encore tiède et la sauce tkemali. Ah et un peu de fromage sulguni bien salé qu'on avait encore au frigo et qu'on émiette dedans. Super bon !
Avec tout ça, on finit de manger vers 11h. On n'aura pas faim à midi — c'était plutôt une boucle café-brunch.
Café à Shavi Coffee Roasters
On quitte Chugureti et traverse la rivière Koura à pied, par le pont Galaktion. Aujourd'hui on explore le quartier de Vere — d'autres jours ce sera Veka, Saburtalo (est), Saburtalo (ouest), et même la vieille ville (brièvement).
On passe à côté du monument Rustaveli et s'enfonce dans les rues de Vere. C'est dans ce quartier que Robin avait séjourné en 2015 (chez M), mais on n'arrive pas à retrouver le bâtiment, les rues ont changé et/ou la mémoire fait défaut.
On se balade dans les ruelles, mélange de bâtiments historiques et de tours résidentielles soviétiques, avec pas mal de boutiques, restos et cafés sur les axes principaux. Ça fait assez quartier résidentiel bobo.
Nos jambes commencent à fatiguer et on s'arrête à Shavi, au coin d'une petite rue sur les hauts de Vere. C'est notre café préféré parmi ceux qu'on a eu l'occasion de tester pendant notre séjour (un certain nombre).
Le café est torréfié par leurs soins dans le quartier de Soloaki (au-dessus de la place de la Liberté). On boit un filtre (V60) de Colombie aux notes intenses de fruits tropicaux, c'est un des meilleurs cafés que Robin ait bu depuis très longtemps.
On déguste puis on ouvre nos ordis, et pendant une ou deux heures on écrit des articles et prépare la suite du voyage.6
Cuisine mingélienne à Mapshalia
En fin d'après-midi on rentre dans notre quartier en bus7 et va manger tôt à Mapshalia, une cantine à moitié dissimulée en demi-sous-sol. N'allez pas imaginer un lieu trop secret non plus : il est recommandé par plus ou moins tous les blogueur·ses de Tbilissi.
Dans la petite salle, on nous place à une table le long du mur couvert d'un bas-relief soviétique. D'origine ? Probablement. Il y a beaucoup de monde, on entend un mélange d'anglais et de géorgien. Les locaux sont facilement reconnaissables, c'est ceux qui ont commandé un demi de chacha, l'arrache-gueule local à 50°, et prennent des shots entre deux gorgées de bière.
Mais on n'est pas ici pour boire : Mapshalia est une cantine spécialisée en cuisine de Mingrélie, une région du centre-ouest de la Géorgie. C'est une cuisine assez différente du reste du pays8, et on ne trouve donc normalement pas ces plats à un restaurant géorgien lambda.
On commande les classiques : un ghomi (un porridge à base de farine de maïs, avec du fromage en option qui fond à l'intérieur, la "polenta géorgienne"), un kharcho mingrélien (ragoût de poulet aux noix, à ne pas confondre avec le kharcho dans le reste du pays qui est une soupe au bœuf et au riz) et deux chvishtari (galette de maïs grillée).
On se sert de ghomi et verse de la sauce du kharcho dessus, sans c'est un peu fade (si on ne voulait pas de kharcho, on aurait pu commander la sauce aux noix — bazhe — séparément). On mange le poulet, et sauce le tout avec les chvishtari.
Addition : 18 lari (environ 6 euros).
Ensuite on rentre, on a une bouteille de vin ambré géorgien Naberauli au frigo à avancer. Petit verre accompagné de fromage sulguni et de noix de cajou. (On écrira sûrement un petit article séparé sur le vin géorgien un de ces quatre.)
Séance au Art Cinema
Dans la soirée, on retraverse la rivière, cette fois par le pont de Sarrebruck. On monte jusqu'à l'avenue Roustavéli, l'artère principale de la ville où l'on trouve le parlement (couvert de drapeaux géorgiens et européens), le musée national, l'opéra, la galerie nationale, des hôtels, et des grands magasins.
On longe la rue un moment pour trouver un passage souterrain, seule manière de traverser vu la densité et vitesse du trafic, et l'absence de passage piéton (et en plus il y a des barrières tout le long). Dans les passages souterrains, il y a des petits commerces sans noms ni horaires où on trouve de tout, d'un khachapuri à une culotte, en passant par un jouet AK-47 en plastique qui fait du bruit quand on appuie sur la gâchette. Il y a aussi souvent quelqu'un qui chante ou joue de la musique.
La rue traversée, on monte les pentes de la colline Mtatsminda jusqu'au Art Cinema.
Art Cinema est un petit ciné indépendant ouvert il y a même pas un an par un couple de nouveaux arrivants russes. Ce n'est pas leur premier ciné : ils géraient une salle similaire à Saint-Pétersbourg avant la guerre, avant de s'expatrier en Géorgie comme 200'000 de leurs compatriotes9.
La programmation est super, surtout des classiques et des lauréats de festivals de cinéma. Tous les films sont en langue originale avec sous-titres... en anglais et en russe. Et le géorgien ? Les locaux n'ont pas l'air d'être leur public cible, ou alors ce sont des jeunes géorgiens qui parlent bien anglais.
Le programme est envoyé sur un groupe Telegram et pour réserver une place dans la minuscule salle (20 places à tout casser), il suffit de répondre au message par un "+".
Ce soir on voit Coffee and Cigarettes (2003) de Jim Jarmusch, un chef-d'œuvre. On est presque seul·es dans la salle, tout le monde a déjà vu le film (la projectionniste était d'ailleurs très étonnée que ce ne soit pas notre cas). On reviendra à ce ciné pour voir Yellow Submarine (1968, George Dunning), le film d'animation basé sur la musique des Beatles, et Fallen Leaves (2023, Aki Kaurismäki), gagnant du prix du jury à Cannes (salle pleine pour ce dernier : un nouveau film, et les cinéphiles sont fan de Kaurismäki).
Le générique défile sur Iggy Pop qui chante Louie Louie. On quitte la salle et on parle du film pendant notre retour à pied pour la maison. Au lit et à demain !
— robin & clara normalement un khachapuri imeruli, pain géorgien fourré au fromage ↩ On pourrait aussi s'arrêter à l'une des supérettes Spar, presque à tous les coins de rue et ouvertes 24h/24, mais c'est moins sympa. ↩ Biscotte à celui ou celle qui réussira à prononcer ce nom. ↩ Comme on n'a pas pris de carte SIM en Géorgie, c'est aussi le dernier moment où on est sûr·es d'avoir du wifi, donc on en profite pour chercher des endroits où faire une pause dans l'après-midi, enregistrer des directions, etc. ↩ On peut dire millésime pour le café ? Pourquoi pas. ↩ D'abord on cherche de l'inspiration : on s'informe sur où on pourrait aller, ce qu'on peut voir et manger, etc. Les décisions prises, il y a toujours pas mal de logistique : transports, hébergements, etc. ↩ Super facile à utiliser à Tbilissi, les lignes sont sur Google Maps, et on a une carte magnétique qu'on tape sur un lecteur dans le bus pour prendre un billet. La carte se recharge n'importe où à des bornes multi-usages, où on peut aussi p. ex. recharger une carte SIM prépayée ou payer une facture d'électricité. ↩ Et ça nous intéresse particulièrement, parce que cette semaine on a le projet de goûter à la cuisine de toutes les régions de Géorgie. Est-ce qu'on a réussi ? Réponse au prochain épisode ! (on est des experts du suspense) ↩ Pas trouvé de chiffres officiels sur le nombre d'arrivants, mais 200'000 est ce qu'on a lu dans différents articles. ↩Footnotes