"T'as fait les pandas ?"

Ainsi commence toute conversation entre touristes à Chengdu (成都, Chéngdū).

Et face à la pression de leur mignoncité1, on craque.

On a fait les pandas

Un des meilleurs conseils qu'on nous ait donné : en Chine, évitez de visiter toute attraction touristique après 11h, et oubliez les weekends et les jours fériés.

Il y a énormément de tourisme domestique, souvent via des tours guidés, et ça résulte en des queues interminables et des foules insupportables dans les lieux "à visiter".

On s'arrange donc pour aller voir ces boules de poils au moment optimal. À 8h un mercredi matin — la veille de jours fériés importants en Chine —, on sort du bus au "Chengdu Research Base of Giant Panda Breeding".

Malgré nos planifications, on arrive en même temps que plusieurs gigantesques groupes de tours guidés. Une fois à l'intérieur du parc, on tente de s'éloigner au maximum pour trouver un peu de calme.

Quasi seul·es, on a la chance d'apercevoir quelques pandas roux.

Deux pandas roux se suivent sur une branche.

Un panda roux, vu de près. Il est roux avec des oreilles et un museau blanc. Il pose ses petites pattes avant sur la branche.

Plus l'heure avance, plus la densité de visiteur·ses augmente. On voit nos premiers pandas géants.

Un panda marchant à travers des buissons, vu de profil. Un bébé panda est assis sur une plateforme en haut d'un arbre. Il nous regarde par dessus son épaule.
Un panda qui marche. Un bébé panda qui se repose.

Une maman panda punit son bébé en lui mordant le haut de la tête.

On continue à monter dans le parc, jusqu'à soudainement arriver à la zone commerciale. Restaurants, magasins de souvenirs, "poste panda" avec un timbre panda unique au centre, cinéma IMAX. Euh... est-ce qu'on est dans un centre de conservation ou dans un parc d'attractions ?

Aux alentours de 11h, déjà fatigué·es — le parc est gigantesque — on s'arrête à un resto "panoramique". On y trouve des souvenirs (peluches panda, t-shirts panda), des boissons, des snacks. On prend un café et s'assied face à une vitre qui donne sur des enclos de pandas géants. Un employé du centre lance des morceaux de canne à sucre le plus près possible des vitres, pour que les touristes puissent bien voir les pandas manger.

Deux cafés noirs sont posés sur la table, face à la fenêtre. Un peu plus loin, on peut voir un panda qui s'éloigne.
Avec nos cafés devant l'aquarium à panda
Un panda dort, enroulé autour d'un tronc d'arbre. Un autre panda dort, affalé sur une plateforme en bois.
À partir de midi, tous les pandas dorment.
Un bébé panda est endormi au sommet d'un arbre, emmêlé dans ses branches.
Les bébés aussi.

En sortant du parc, on est content·es d'avoir pu voir tout un tas de pandas. Mais au fond, ça ne nous aurait pas dérangé·es d'en voir moins, et de plus loin. On a souvent eu l'impression que les animaux étaient présentés aux touristes, que leur propre bien-être était secondaire (petits enclos, pas d'endroits où se cacher). Malgré tout ce que clame le centre, on a moins le sentiment d'avoir visité un projet de recherche qu'un énième parc d'attractions.

Une foule est amassée devant une fosse. Au loin, on distingue un petit panda.
1 panda vs. 1000 appareils photo

Bref, on a fait les pandas.

On a fait le dortoir pourri*

À Chengdu, on réserve deux lits dans un dortoir à six pour une semaine. On se dit qu'on y sera bien à l'aise, sachant qu'il y a même une salle de bain privée par dortoir !

Qu'est-ce qu'on avait tort. Dès les premières minutes, on remarque vite que :

  • l'un de nos lits n'est pas propre (il y a même un préservatif, heureusement pas utilisé, sous le coussin)
  • il n'y a pas de clim ou de ventilateur malgré la chaleur (près de 30 degrés à Chengdu)
  • il n'y a même pas de courant d'air : les deux mini-fenêtres de la chambre donnent sur deux couloirs internes
  • il y a des moustiques

Et, roulement de tambour, la salle de bain ne déçoit pas : elle est vitrée ! (Et très sale.)

Mais il y a un * : dans ce dortoir pourri, on passe une très bonne semaine.

L'auberge organise des événements gratuits pour que les voyageur·ses puissent socialiser : soirée cours de cuisine, tour guidé du quartier et de ses restaurants. Le bar / salle communautaire est sympa et pousse aussi à l'échange et à la discussion, surtout pendant la happy hour (deux bières Panda pour le prix d'une). Et le meilleur pour la fin : café gratuit le matin entre 9h et 10h.

Par le biais de cette auberge qui avait tout pour déplaire, on fait des rencontres qui transforment notre séjour à Chengdu.

On est sept personnes assises autour d'une grande table à notre auberge. Au centre de la table, nos raviolis chinois sont prêts à être mangés.
On apprend à faire des raviolis chinois lors d'une soirée organisée par l'auberge.
Robin est assis sur des marches devant la porte d'entrée de l'auberge. Il fait des câlins à un gros chat blanc et orange, en tenant sa tête dans sa main.
La rencontre la plus importante : le chat de l'un des employés.

Bref, on a fait le dortoir pourri*.

On a fait les plats populaires

Des motos sont alignées face à un passage piéton, attendant le feu vert (des piétons) pour traverser. En fond, des immeubles aux architectures diverses se mélangent. De l'autre côté de la route, on aperçoit le début d'une petite ruelle entre deux bâtiments. Un monsieur à moto bleue et casque bleue traverse la route. Un petit véhicule du même bleu sort de la ruelle.
On navigue entre les grandes artères et les petites ruelles de Chengdu.

Avec ses 26 000 000 habitant·es (!), Chengdu est la plus grande ville du Sichuan. Et le Sichuan est connu dans le monde entier pour sa cuisine très pimentée.

Oups, non, pas seulement pimentée, mais pimentée ET anesthésiante.

On était un peu anxieux·ses préalablement, mais on s'essaie quand même à quelques plats málà populaires.

Tout d'abord, le mapo tofu (ou mápó dòufu, "tofu épicé de grand-mère"). En gros, du tofu soyeux qui baigne dans une sauce à réveiller un zombie :

  • Pâte de haricots fermentés et de piments (doùbàn)
  • Poivre de Sichuan
  • Encore plus de piments (frais et séchés)
  • Beaucoup d'huile
  • Autres ingrédients secrets (ou pas si secrets, mais c'est pas un blog de cuisine, non mais oh)

Vous l'avez compris, le riz n'est pas optionnel.

Dans un bol en terre cuite noire, le tofu soyeux baigne dans une sauce très rouge. Selfie de Robin et Clara avec leur mapo tofu. Clara a dû enlever ses lunettes car elle transpirait trop.
Le mapo tofu, du rouge et du rouge

Après avoir terminé le plat et transpiré toute l'eau de nos corps, on trouve quand même le courage — quelques jours plus tard — de tester le plat réputé le plus piquant de la région : le hotpot.

Un bon hotpot se partage à plusieurs. On motive quelques personnes de l'auberge pour venir essayer ce repas de fête avec nous.

N'ayant aucune idée de comment commander où préparer les ingrédients qu'on nous amène, notre serveur est forcé de rester à nos côtés pour nous aider à chaque étape.

On reçoit un hotpot avec trois bouillons : (1) très piquant, (2) à la tomate, (3) clair. Heureusement qu'on ne s'est pas contenté·es du bouillon piquant traditionnel, parce que nos bouches sont en feu après quelques bouchées.

Au milieu de la table, le hotpot avec trois bouillons différents. On est quatre autour de la table, chacun avec sa grande bière fraîche. La personne sur la droite s'apprête à mettre à cuire des morceaux de viande.
Le hotpot avec les trois différents bouillons
Robin avec un tablier (pour ne pas se salir) nous montre la patte de poulet qu'il va manger. Il n'y a qu'un doigt pointé vers le haut, face à la caméra...
Victime de la pression de groupe, Robin mange même un pied de poulet.

En dehors des plats phare qu'on cherche activement à goûter, ça nous arrive aussi de rejoindre des queues mystérieuses devant une cantine ou un stand.

En passant à côté de ce qui semble être un plat ultra-populaire, on ne peut pas résister, et on rejoint la file sans hésiter. Après 45 minutes de queue, on arrive finalement à l'avant et commande la spécialité de la maison : le liángfěn guōkuī.

Une très longue queue s'étirant le long du trottoir. On arrive près de la caisse, il n'y a plus que cinq personnes dans la queue avant nous.
On ne résiste pas à l'appel, on rejoint la file mystère.

Un sandwich avec un pain rond ouvert en son milieu rempli de nouilles transparentes. On distingue quelques morceaux de piments dans la sauce qui les recouvre.

On ne s'attendait pas à ça. Première bouchée... mmh c'est un peu piquant, très mou, tiens, c'est des nouilles ? Non, c'est bien plus gélatineux que ça. Une sorte de gelée de quelque chose ? Bizarre... Pourquoi les gens font-ils la queue pour ça exactement ? Ah tiens, ça devient étrangement meilleur plus on en mange. Mmh, ok. Il est pas trop mal finalement ce sandwich à la gelée. On approuve.

Bref, on a fait les plats populaires.

On a fait le thé

Un truc qu'on n'avait pas beaucoup exploré depuis notre entrée en Chine, c'est le thé. Pourtant, on était bel et bien arrivé·es dans LE pays du thé.

Le Sichuan regorge de petites ou grandes maisons de thé. On dit même que Chengdu est la ville qui en compte le plus grand nombre dans tout le pays ! Ce n'est pas un hasard : la ville est à deux pas e certaines des plus anciennes régions productrices de thé, et occupait donc une place importante sur la route du thé.

On n'a pas assisté à une vraie "cérémonie du thé", mais on a quand même fait un stop dans une maison de thé comme il faut — c.-à-d. avec un service méticuleux de chez méticuleux.

Sur un plateau, on nous amène une petite théière de verre remplie de feuilles de thé, un pichet en verre (vide), un grand thermos rempli d'eau chaude, deux minuscules tasses en céramique, et des snacks (dont un au poivre de Sichuan).

La service verse délicatement le thé de la théière au pichet en verre.
La serveuse d'une maison de thé nous fait le service.

De ce qu'on s'en souvient, le service du thé se fait comme suit :

  1. Verser l'eau chaude du thermos dans la théière.
  2. Faire délicatement tourner l'eau dans la théière.
  3. Au bout de quelques secondes (l'infusion est très rapide), complètement vider la théière dans le pichet en verre.
  4. Servir le thé dans les petites tasses.
  5. Répéter les opérations lorsque le pichet en verre est vide.

Cette manière de servir le thé nous force à être présent·es à chaque instant. Le service fait partie intégrante de ce moment passé ensemble. Ne baignant dans l'eau bouillante que quelques secondes à la fois, les feuilles de thé retiennent leur arôme pendant de nombreux services. On termine le thermos d'eau chaude en regardant tomber la pluie.

Robin verse le thé de la théière au pichet en verre avec autant de délicatesse et (presque) autant de grâce que la serveuse.
Robin tente de reproduire le service de thé ­— c'est pas facile.

Il y a les maisons de thé "comme il faut", et celles qui ne prétendent à rien. On s'arrête dans plusieurs de ces îlots de paix où les locaux viennent lire, discuter, jouer au mah-jong, ou se faire nettoyer les oreilles4. Souvent, on paie pour une tasse avec quelques feuilles de thé sèches, où on verse soi-même de l'eau autant de fois qu'on veut depuis un thermos d'eau bouillante.

Deux tasses de thé en céramique bleues et blanches. Les feuilles de thé et fleurs de jasmin flottent à la surface de l'eau. Leurs couvercles sont posés sur le côté. Dans une vieille maison de thé en bois au plafond haut, Robin remplit nos deux tasses en céramique à l'aide du thermos d'eau chaude qui fume.
On est ici dans la maison de thé d'un temple taoïste.
On est assis au bord de l'eau aux côtés d'une famille de cygnes noirs. Sur la table : un thermos et deux grands verres (de type verres à bière allemands), remplis de thé.
Où de mieux que les berges de l'étang d'un parc, avec des adorables bébés cygne noir, pour déguster un thé chaud ?

Bref, on a fait le thé.


On reste près d'une semaine à Chengdu, quatrième plus grande ville de Chine. Pourtant, on ne s'est jamais senti·es envahi·es : c'est très étendu, le métro fonctionne bien, et il est facile de trouver des quartiers (et des maisons de thé) relativement calmes. Chengdu mérite bien sa réputation de ville plutôt relaxante !

Au terme de cette parenthèse, notre seule vraie pause en Chine (quoique courte), on a l'impression d'en avoir à peine gratté la surface. C'est avec plaisir qu'on reviendrait explorer un peu plus.

D'ici là, on considère qu'on a fait Chengdu.

— clara & robin

Footnotes

  1. Promis, c'est un vrai mot.

  2. La légende de la découverte de la soie est un peu pareille, sauf que c'est un ver à soie qui tombe d'un mûrier dans l'eau chaude d'une princesse. En le sortant, la princesse déroule alors le fil, et hop ça fait de la soie.

  3. On sait que la dynastie Han (206 AEC – 220 EC) utilisait déjà le thé de façon médicinale. Des vieux écrits chinois datent aussi l'utilisation de "feuilles" dans des infusions lors de la dynastie Zhou (1046 – 256 AEC).

  4. En se baladant dans les rues de Chengdu, impossible de rater les laveur·ses d'oreilles, pratiquant le cǎi'ěr. Il y a des stands d'équipes professionnelles, tout comme des "indépendant·es" plus mobiles proposant leurs services. Avec une douzaine d'outils à leur disposition, ils vous massent le crâne, vous chatouillent avec des plumes, vous retirent la cire en profondeur et font résonner certains points clés grâce à des diapasons spécialisés.

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