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On a fait Chengdu
Six jours dans la ville du panda géant
"T'as fait les pandas ?"
Ainsi commence toute conversation entre touristes à Chengdu (成都, Chéngdū).
Et face à la pression de leur mignoncité1, on craque.
On a fait les pandas
Un des meilleurs conseils qu'on nous ait donné : en Chine, évitez de visiter toute attraction touristique après 11h, et oubliez les weekends et les jours fériés.
Il y a énormément de tourisme domestique, souvent via des tours guidés, et ça résulte en des queues interminables et des foules insupportables dans les lieux "à visiter".
On s'arrange donc pour aller voir ces boules de poils au moment optimal. À 8h un mercredi matin — la veille de jours fériés importants en Chine —, on sort du bus au "Chengdu Research Base of Giant Panda Breeding".
Malgré nos planifications, on arrive en même temps que plusieurs gigantesques groupes de tours guidés. Une fois à l'intérieur du parc, on tente de s'éloigner au maximum pour trouver un peu de calme.
Quasi seul·es, on a la chance d'apercevoir quelques pandas roux.
Plus l'heure avance, plus la densité de visiteur·ses augmente. On voit nos premiers pandas géants.
On continue à monter dans le parc, jusqu'à soudainement arriver à la zone commerciale. Restaurants, magasins de souvenirs, "poste panda" avec un timbre panda unique au centre, cinéma IMAX. Euh... est-ce qu'on est dans un centre de conservation ou dans un parc d'attractions ?
Aux alentours de 11h, déjà fatigué·es — le parc est gigantesque — on s'arrête à un resto "panoramique". On y trouve des souvenirs (peluches panda, t-shirts panda), des boissons, des snacks. On prend un café et s'assied face à une vitre qui donne sur des enclos de pandas géants. Un employé du centre lance des morceaux de canne à sucre le plus près possible des vitres, pour que les touristes puissent bien voir les pandas manger.
En sortant du parc, on est content·es d'avoir pu voir tout un tas de pandas. Mais au fond, ça ne nous aurait pas dérangé·es d'en voir moins, et de plus loin. On a souvent eu l'impression que les animaux étaient présentés aux touristes, que leur propre bien-être était secondaire (petits enclos, pas d'endroits où se cacher). Malgré tout ce que clame le centre, on a moins le sentiment d'avoir visité un projet de recherche qu'un énième parc d'attractions.
Bref, on a fait les pandas.
On a fait le dortoir pourri*
À Chengdu, on réserve deux lits dans un dortoir à six pour une semaine. On se dit qu'on y sera bien à l'aise, sachant qu'il y a même une salle de bain privée par dortoir !
Qu'est-ce qu'on avait tort. Dès les premières minutes, on remarque vite que :
- l'un de nos lits n'est pas propre (il y a même un préservatif, heureusement pas utilisé, sous le coussin)
- il n'y a pas de clim ou de ventilateur malgré la chaleur (près de 30 degrés à Chengdu)
- il n'y a même pas de courant d'air : les deux mini-fenêtres de la chambre donnent sur deux couloirs internes
- il y a des moustiques
Et, roulement de tambour, la salle de bain ne déçoit pas : elle est vitrée ! (Et très sale.)
Mais il y a un * : dans ce dortoir pourri, on passe une très bonne semaine.
L'auberge organise des événements gratuits pour que les voyageur·ses puissent socialiser : soirée cours de cuisine, tour guidé du quartier et de ses restaurants. Le bar / salle communautaire est sympa et pousse aussi à l'échange et à la discussion, surtout pendant la happy hour (deux bières Panda pour le prix d'une). Et le meilleur pour la fin : café gratuit le matin entre 9h et 10h.
Par le biais de cette auberge qui avait tout pour déplaire, on fait des rencontres qui transforment notre séjour à Chengdu.
Bref, on a fait le dortoir pourri*.
On a fait les plats populaires
![Des motos sont alignées face à un passage piéton, attendant le feu vert (des piétons) pour traverser. En fond, des immeubles aux architectures diverses se mélangent.](/static/images/20240402_174722_chengdu-route-motos.webp)
![De l'autre côté de la route, on aperçoit le début d'une petite ruelle entre deux bâtiments. Un monsieur à moto bleue et casque bleue traverse la route. Un petit véhicule du même bleu sort de la ruelle.](/static/images/20240404_171407_chengdu-rue.webp)
Avec ses 26 000 000 habitant·es (!), Chengdu est la plus grande ville du Sichuan. Et le Sichuan est connu dans le monde entier pour sa cuisine très pimentée.
Oups, non, pas seulement pimentée, mais pimentée ET anesthésiante.
On était un peu anxieux·ses préalablement, mais on s'essaie quand même à quelques plats málà populaires.
Tout d'abord, le mapo tofu (ou mápó dòufu, "tofu épicé de grand-mère"). En gros, du tofu soyeux qui baigne dans une sauce à réveiller un zombie :
- Pâte de haricots fermentés et de piments (doùbàn)
- Poivre de Sichuan
- Encore plus de piments (frais et séchés)
- Beaucoup d'huile
- Autres ingrédients secrets (ou pas si secrets, mais c'est pas un blog de cuisine, non mais oh)
Vous l'avez compris, le riz n'est pas optionnel.
Après avoir terminé le plat et transpiré toute l'eau de nos corps, on trouve quand même le courage — quelques jours plus tard — de tester le plat réputé le plus piquant de la région : le hotpot.
Un bon hotpot se partage à plusieurs. On motive quelques personnes de l'auberge pour venir essayer ce repas de fête avec nous.
N'ayant aucune idée de comment commander où préparer les ingrédients qu'on nous amène, notre serveur est forcé de rester à nos côtés pour nous aider à chaque étape.
On reçoit un hotpot avec trois bouillons : (1) très piquant, (2) à la tomate, (3) clair. Heureusement qu'on ne s'est pas contenté·es du bouillon piquant traditionnel, parce que nos bouches sont en feu après quelques bouchées.
En dehors des plats phare qu'on cherche activement à goûter, ça nous arrive aussi de rejoindre des queues mystérieuses devant une cantine ou un stand.
En passant à côté de ce qui semble être un plat ultra-populaire, on ne peut pas résister, et on rejoint la file sans hésiter. Après 45 minutes de queue, on arrive finalement à l'avant et commande la spécialité de la maison : le liángfěn guōkuī.
On ne s'attendait pas à ça. Première bouchée... mmh c'est un peu piquant, très mou, tiens, c'est des nouilles ? Non, c'est bien plus gélatineux que ça. Une sorte de gelée de quelque chose ? Bizarre... Pourquoi les gens font-ils la queue pour ça exactement ? Ah tiens, ça devient étrangement meilleur plus on en mange. Mmh, ok. Il est pas trop mal finalement ce sandwich à la gelée. On approuve.
Bref, on a fait les plats populaires.
On a fait le thé
Un truc qu'on n'avait pas beaucoup exploré depuis notre entrée en Chine, c'est le thé. Pourtant, on était bel et bien arrivé·es dans LE pays du thé.
Le Sichuan regorge de petites ou grandes maisons de thé. On dit même que Chengdu est la ville qui en compte le plus grand nombre dans tout le pays ! Ce n'est pas un hasard : la ville est à deux pas e certaines des plus anciennes régions productrices de thé, et occupait donc une place importante sur la route du thé.
On n'a pas assisté à une vraie "cérémonie du thé", mais on a quand même fait un stop dans une maison de thé comme il faut — c.-à-d. avec un service méticuleux de chez méticuleux.
Sur un plateau, on nous amène une petite théière de verre remplie de feuilles de thé, un pichet en verre (vide), un grand thermos rempli d'eau chaude, deux minuscules tasses en céramique, et des snacks (dont un au poivre de Sichuan).
De ce qu'on s'en souvient, le service du thé se fait comme suit :
- Verser l'eau chaude du thermos dans la théière.
- Faire délicatement tourner l'eau dans la théière.
- Au bout de quelques secondes (l'infusion est très rapide), complètement vider la théière dans le pichet en verre.
- Servir le thé dans les petites tasses.
- Répéter les opérations lorsque le pichet en verre est vide.
Cette manière de servir le thé nous force à être présent·es à chaque instant. Le service fait partie intégrante de ce moment passé ensemble. Ne baignant dans l'eau bouillante que quelques secondes à la fois, les feuilles de thé retiennent leur arôme pendant de nombreux services. On termine le thermos d'eau chaude en regardant tomber la pluie.
Il y a les maisons de thé "comme il faut", et celles qui ne prétendent à rien. On s'arrête dans plusieurs de ces îlots de paix où les locaux viennent lire, discuter, jouer au mah-jong, ou se faire nettoyer les oreilles4. Souvent, on paie pour une tasse avec quelques feuilles de thé sèches, où on verse soi-même de l'eau autant de fois qu'on veut depuis un thermos d'eau bouillante.
Bref, on a fait le thé.
On reste près d'une semaine à Chengdu, quatrième plus grande ville de Chine. Pourtant, on ne s'est jamais senti·es envahi·es : c'est très étendu, le métro fonctionne bien, et il est facile de trouver des quartiers (et des maisons de thé) relativement calmes. Chengdu mérite bien sa réputation de ville plutôt relaxante !
Au terme de cette parenthèse, notre seule vraie pause en Chine (quoique courte), on a l'impression d'en avoir à peine gratté la surface. C'est avec plaisir qu'on reviendrait explorer un peu plus.
D'ici là, on considère qu'on a fait Chengdu.
— clara & robin Promis, c'est un vrai mot. ↩ La légende de la découverte de la soie est un peu pareille, sauf que c'est un ver à soie qui tombe d'un mûrier dans l'eau chaude d'une princesse. En le sortant, la princesse déroule alors le fil, et hop ça fait de la soie. ↩ On sait que la dynastie Han (206 AEC – 220 EC) utilisait déjà le thé de façon médicinale. Des vieux écrits chinois datent aussi l'utilisation de "feuilles" dans des infusions lors de la dynastie Zhou (1046 – 256 AEC). ↩ En se baladant dans les rues de Chengdu, impossible de rater les laveur·ses d'oreilles, pratiquant le cǎi'ěr. Il y a des stands d'équipes professionnelles, tout comme des "indépendant·es" plus mobiles proposant leurs services. Avec une douzaine d'outils à leur disposition, ils vous massent le crâne, vous chatouillent avec des plumes, vous retirent la cire en profondeur et font résonner certains points clés grâce à des diapasons spécialisés. ↩Footnotes