On termine notre traversée de l'Ouzbékistan par la ville qui est pour beaucoup un point d'entrée : Tachkent, capitale du pays et plus grande ville d'Asie centrale.

En descendant du train ça nous semble très urbain, surtout après les vieilles villes classées de Boukhara et Samarcande. Mais on n'aurait pas deviné que plus de 6 millions de personnes y habitent : les boulevards, les bâtiments et les squares sont grands et imposants (à la mode soviétique, on commence à avoir l'habitude), mais plutôt vides.

Une rue vide de Tachkent, une barre d'immeubles brutaliste
Grands boulevards assez vides, grandes barres d'immeubles
Une grande place vide traversée par un grand arc aux colonnes blanches, surmonté d'une statue de cigogne
Grandes places et monuments imposants, ici la place de l'indépendance et son Arc des Bonnes et Nobles Aspirations
Une statue de Timour à cheval sur le square Timour, et à l'arrière l'hôtel Uzbekistan et sa grande façade brutaliste décorée de motifs de béton
Grands bâtiments soviétiques brutalistes, comme l'hôtel Uzbekistan, construit en 1974 (ici derrière une statue de Timour)

On ne voit pas beaucoup de touristes : on est ici assez loin de la céramique bleue qui attire du monde en Ouzbékistan. Les gens ont tendance à prendre un train pour Samarcande dès leur sortie de l'avion à Tachkent.

Ça fait assez plaisir de ne plus trop avoir de choses "à voir" : on peut prendre quelques jours pour souffler et pour se reposer avant de repasser au Kazakhstan. Mais pour le repos, ça commence mal : notre chambre d'hôtel est minuscule, surchauffée, et sent les canalisations. On finit par passer la plupart de notre temps à Tachkent dans des cafés.

On mange aussi nos premiers repas occidentaux depuis Bakou (dont une très bonne pizza napolitaine le premier soir), et nos derniers repas ouzbeks en Ouzbékistan (plov, samsa, kuksi)1.

Clara avec son cappuccino, sa gauffre, et une petite fleur dans un café tout décoré de blanc
Au café Dosan (la fleur de Clara est un cadeau de l'établissement à l'occasion de la journée de la femme)
Clara attablée devant deux petites pizzas napolitaines
À la pizzeria Roni (petit chaîne de restaurants, slogan : "We love make true pizza" — "Nous aimons faire vraie pizza")

Entre deux, on valide quand même le TOP 3 DES MEILLEURES CHOSES À FAIRE À TACHKENT qu'on trouve sur tous les blogs.

1. Le métro de Tachkent

On lit partout que le métro de Tachkent est le plus vieux d'Asie centrale, avec une première ligne ouverte en 1977 pendant l'Union soviétique.

Ce qu'on ne dit pas, c'est qu'il n'y a pas eu beaucoup de compétition : il y a seulement deux métros en Asie centrale à ce jour, Tachkent et Almaty (et celui d'Almaty n'a ouvert qu'en 2011). Donc 1977 c'est vieux pour la région, oui, mais pas vraiment comparable au métro de Londres (1863) ou même à celui de Moscou (1935).

Comme ouvrir une ligne de métro n'était pas particulièrement innovant en 1977, Tachkent a essayé de se rattraper en faisant construire des stations de métro toutes plus resplendissantes que les précédentes. (Il faut bien trouver de quoi inspirer le prolétariat.)

Une station de métro dans des tons bleu foncé, représentant la voie lactée
La station Kosmonavtlar (1984) à thème programme spatial soviétique...
Un icône de Youri Gagarine en habits de cosmonaute
...avec des images de Youri et autres
Un motif géométrique qui représente des fleurs de coton Des lampes en forme de fleurs de coton
Les stations Paxtakor (1977) et Oʻzbekiston (1984) à thème coton
Une station au plafond couvert de lampes haxagonales
La station Novza (1977) à thème... hexagones ?
Une station au plafond composé de petits dômes décorés de motifs en bleu et blanc Un icône représentant l'œuvre Farhad va Shirin de Alisher Navoiy
La station Alisher Navoiy (1984), avec des scènes des œuvres du grand poète timouride

2. Le marché de Chorsu

Ligne O'zbekiston, arrêt Chorsu

On commence à avoir l'habitude des marchés, et même des marchés ouzbeks, après ceux de Nukus, de Boukhara, et de Samarcande. Malgré tout, celui de Tachkent a quand-même su nous étonner.

Imaginez sortir du métro en plein milieu d'un labyrinthe de tentes où on vend des vêtements en tous genres, des chaussettes aux sacs Guccl3. Trouvez la sortie par un petit escalier, montez encore quelques marches que dévalent des pousseurs de chariots de marchandises, et entrez dans une immense halle où on trouve des fruits, des légumes, de la viande, des produits laitiers, bref, de tout.

Ne vous précipitez pas à un stand, vous n'êtes toujours pas arrivé·es ! Laissez sur votre droite la halle des boulangers et ressortez à l'air libre, où le cœur du marché s'élève devant vous : un immense dôme bleuté qui scintille au soleil.

Un grand dôme soviétique aux couleurs timourides : bleu foncé, bleu turquoise, et blanc
Le dôme du marché de Chorsu, construit en 1980. Les messieurs qui attendent assis sur leurs caddies peuvent être engagés pour ramener vos grosses courses jusqu'à votre voiture.

En entrant dans le dôme, on remarque assez vite qu'il y a plusieurs sections distinctes, organisées en rangées concentriques.

Vue de l'intérieur du dôme, les stands colorés sont organisés en rangées concentriques autour d'une colonne centrale
L'intérieur du dôme

On voit très bien les trois sections principales depuis la galerie qui fait le tour du dôme : la section produits laitiers, la section koryo-saram, et — la plus grande — la section boucherie.

Section produits laitiers : des bacs en plastique vert et blanc, des yaourts, des fromages, du lait
Section produits laitiers
Section koryo-saram : des bacs en plastique rouge et des salades et légumes fermentés de toutes les couleurs
Section koryo-saram
Section boucherie : des grandes planches de plastique blanc et de la viande crue rose-rouge
Section boucherie

Il y a encore le rayon nouilles fraîches (près du centre du dôme), le rayon fruits secs et noix (sur la galerie), le rayon boulangerie (dans une halle séparée), et bien sûr le rayon fruits et légumes (à l'extérieur et dans des halles séparées).

Et maintenant, quelques détails de produits :

Des grosses saucisses de cheval assez phalliques de couleur gris-violet-rose
Saucisse de cheval qazi (accompagnement du plov en Ouzbékistan, et du beshbarmak au Kazakhstan)
Des accompagnements koryo-saram colorés : tomates et concombres fermentés, jimchi blanc, morkovcha orange
Des accompagnements koryo-saram, vendus dans des caisses de plastique coloré : beaucoup de légumes vinaigrés et/ou pimentés, parfois en salade comme la morkovcha
Des arrière-trains de moutons à queue grasse suspendus à une barre métallique horizontale
Au rayon boucherie, on voit bien les "queues" de mouton à queue grasse, dont on utilise beaucoup la graisse dans la cuisine d'Asie centrale
Un boucher, une hache à la main, sépare les côtes d'une colonne vertébrale, probablement du bœuf
Un boucher prépare les côtes à la hache
Des tas de nouilles épaisses dans des grands bols
Rayon nouilles fraîches pour le laghman
Des bacs en plastique transparent remplis de qurt, petites boules de fromage sec
En dehors de la halle centrale, un stand de qurt (on vous en avait parlé à Boukhara)
Des carottes courtes mais très épaisses dans des grands sacs de jute Un vendeur de carottes précoupe sa marchandise en julienne de la taille de frites
Les énormes carottes ouzbèkes, aussi vendues pré-coupées en grosse julienne pour le plov
Deux tandir samsa et une petite théière de thé vert sur une table en plastique
Pause à un stand à l'arrière de la halle boulangerie, où on tombe sur une fournée de tandir samsa encore chaude

3. Le Central Asian Plov Center

Ligne Yunusobod, arrêt Shahriston

Une destination ne vaudrait pas la visite sans un attrait culinaire. À Tachkent, l'un d'eux est le Central Asian Plov Center, un restaurant de plov.

L'entrée de Beshqozon, le long du grand parking La grande tour de la radiotélévision, avec une base à trois pieds et une longue flèche
Arrivée au restaurant aux abords de la ville, près de l'immense tour de la radiotélévision de 1985 (375m, 12e plus haute tour du monde)

Ce que le Central Asian Plov Center a de particulier, en plus d'un excellent plov, c'est qu'on s'y installe aux côtés de centaines d'autres personnes dans une sorte d'immense halle. Le plov est préparé dans une salle attenante dans des énormes qozon — des sortes de grands woks traditionnels d'Asie centrale, fixés au-dessus de feux de bois — d'où le nom officiel du restaurant : Beshqozon ("cinq qozon"). Les mangeur·ses viennent assister à la préparation d'une poêlée avant ou après leur repas.

Une grande halle remplie de rangées de tables, beaucoup de monde
La grande halle. Tout le monde mange la même chose...
Une assiette de plov ouzbek : riz blanc en-dessous, carottes jaunes et viande par dessus, ici servi avec deux petits œufs de caille et deux feuilles de vigne farcies
...un plov ouzbek
Un qozon rempli de plov prêt à servir, photographié par les clients du restaurant
Dans la cuisine, les gens observent la préparation du plat, ici prêt à servir
Un qozon rempli de riz qu'un cuisinier dispose en tas bien régulier Le cuisinier recouvre le tas de riz de plats métalliques, probablement pour cuire le riz à la vapeur
Préparation du riz dans un qozon
Un autre cuisinier avec une plache couverte de pains obi non prêts à cuire Un cuisinier sort les pains obi non cuits d'un grand four tandir
Préparation du pain obi non, accompagnement obligatoire

Bonus : le bar de l'hôtel Ouzbékistan

Ligne Chilonzor, arrêt Amir Temur Xiyoboni

Un soir, on retourne au square Timour, surplombé de l'imposant hôtel Uzbekistan qu'on vous a montré plus haut (la belle façade est couverte de pub de nuit, dommage).

L'hôtel Uzbekistan de nuit, les motifs de la façade ne sont pas visibles derrière l'affichage en LED d'un numéro de téléphone sur fond bleu

On passe la porte tambour et les garçons en smoking, et prend l'ascenseur pour le 17ᵉ étage.

Dans ce genre de situation, on peut s'attendre à une playlist lounge, peut-être même à un piano à queue, à des barmans en veston à l'anglais parfait et à des cocktails hors de prix, à des hommes d'affaires qui célèbrent à leur table la vente d'une cargaison de pétrole ou un nouveau contrat immobilier. Est-ce qu'on nous laissera entrer avec nos vestes de pluie et nos chaussures de marche ?

Accueilli·es par un petit aquarium et une plante en pot, l'illusion est presque complète. Mais là, surprise : on tombe sur une petite pièce silencieuse et vide, éclairée de néons blancs, où un monsieur tout seul fume au bar. Oubliez les cocktails, il n'y a même pas de bière pression — le choix se résume à une bouteille de Tuborg ou de Sarbast (bière commerciale ouzbèke), il suffit de se servir dans le frigo. On voit à peine la vue à travers les vitres sales.

Un petit aquarium où nagent quelques petits poissons Robin achte deux bières au petit bar où est assis un seul client. Le frigo rempli de bières en bouteille se trouve sur la droite

À travers une vitre sale, notre vue du square Timour, très sombre de nuit, et de quelques grands bâtiments au loin

C'est beaucoup plus sympa que prévu !

Selfie dans la vitre sale

On n'a ni cocktails, ni contrat pétrolier à célébrer — on lève nos Sarbast à une traversée de l'Ouzbékistan pleine de surprises. Prochain arrêt : Shymkent, Kazakhstan.

— robin & clara

Footnotes

  1. La cuisine ne changera pas beaucoup avec notre passage au Kazakhstan. Par exemple, on mangera toujours beaucoup de samsa à Almaty, où ils font un très bon midi sur le pouce dans une ville où les restos sont chers.

  2. Parce que les stations avaient un "rôle stratégique" : elles servaient aussi d'abris anti-atomiques. Cette interdiction existe toujours ailleurs, par exemple à Yerevan, comme l'avait appris Robin à ses dépens.

  3. Ceci n'est pas une faute de frappe, c'est de la contrefaçon.

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