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Vignettes d'Ankara
Deux jours dans la capitale de la Turquie
Si vous nous suivez au quotidien, vous aurez remarqué qu'on a quitté la Turquie il y a presque un mois. On profite de nos pauses-café pour rattraper les articles qui attendent gentiment dans nos brouillons. Préparez-vous à un ordre de publication un peu chaotique qui va nous ramener en Turquie, en Géorgie et en Arménie.
Sur ces bonnes paroles, retour à Ankara en quelques vignettes !
Le 31 décembre 2023, on va se coucher de bonne heure alors qu'Istanbul fête le Nouvel An. À 6 h le lendemain matin, on prend le train vers Ankara.
En arrivant à la gare de la capitale turque, notre première impression est assez bizarre. C'est calme, trop calme, on préfère quand c'est un peu trop plus moins calme. L'effet 1er janvier, 11 h 30 du matin, doit probablement y être pour quelque chose.
On s'est préalablement informé·es, le meilleur transport pour aller à notre auberge est le métro. À priori, on ne doit prendre qu'une seule ligne — plus facile, tu meurs.
Le métro ou la maison qui rend fou
Ou peut-être pas si facile.
La station de métro est flambant neuve. Blancheur immaculée, verre et marbre, on a l'impression d'être dans un hôpital... vide. Il n'y a pas un chat. On prend les escaliers roulants et on descend, descend, descend. Il semblerait que la plateforme de métro se trouve au moins trois étages sous les enfers.
10 minutes palpitantes plus tard, on arrive enfin dans un espace tout aussi blanc et aseptisé qu'avant. Sur notre droite, un portique d'entrée ; sur notre gauche, une unique machine à tickets. On va à la machine pour voir qu'elle n'accepte que du liquide, uniquement en billets de 100 lires. Heureusement, il nous en reste d'Istanbul — c'était moins une ! On peut même faire de la monnaie à un monsieur coincé là.
On passe le portique et... toujours aucun affichage pour nous orienter. Enfin si, une multitude de mots sans différenciation entre les noms des directions / stations / lignes. Résultat : impossible de savoir ce qu'un mot affiché de façon aléatoire sur un poteau est supposé indiquer.
Après avoir tourné en rond un bon moment, on tombe sur une employée qui nous fait comprendre qu'on est sur la ligne Ankaray (et non pas la M2 dont on avait besoin). On ne sait pas trop comment on est arrivé·es là, mais on retombe sur nos pattes : il y a apparemment une connexion quelques arrêts plus loin avec cette M2.
On croyait retomber sur nos pattes, mais c'est plutôt sur nos f*sses qu'on s'est écrasé·es. On arrive effectivement au croisement de deux tunnels sans aucune indication. On s'engage au hasard sur des escalators pour arriver à un autre croisement. Il y a cette fois des indications qui font tout sauf nous aider.
On vous épargne le reste de notre parcours à travers ce labyrinthe, mais on parvient quand même à ressortir du métro 15 ans et 3 mois plus tard.
Quelques jours après, à une autre station de métro, un monsieur essaie de nous aider à trouver notre chemin dans le métro, mais semble plus confus que nous. On lui fait remarquer qu'il nous pointe dans la mauvaise direction.
Le monsieur, réalisant son erreur :
— Aaah yes, I confused.
— The metro is very complicated.
— Yes, the architecture... IDIOT!
La coloc : enfumée et en-chaussettée
En sortant du métro, on doit encore marcher une quinzaine de minutes avant d'arriver à notre Airbnb — en montée avec nos gros sacs. (Ça nous arrive souvent de réserver des hébergements bien placés et vraiment pas chers, pour réaliser sur place qu'ils se situent tout en haut de l'unique colline de la ville.)
On arrive bien transpirant·es à l'adresse que nous a indiquée l'hôte. Il nous a aussi écrit que la porte est la N°1. On entre dans l'immeuble, on cherche au rez, puis au premier étage, mais impossible de trouver la porte N°1 — nous qui croyions être sorti·es de la maison qui rend fou !
On résout en fin de compte ce mystère à la Hercule Poirot en descendant (oui, encore des escaliers) les marches quelques étages plus bas. Pour les quelques prochains jours, on habitera apparemment au sous-sol (niveau -3). Par contre, pas d'inquiétude, il y a de la lumière ! Comme l'appartement est construit sur la pente, une fenêtre du -3 donne sur l'extérieur.
On sonne à la porte N°1... et c'est une fille très maquillée et en robe à paillettes qui nous ouvre. Elle n'a pas tout à fait la même tête que l'hôte à qui on écrivait sur Airbnb et a l'air un peu surprise de nous voir, tout juste debout après la soirée du réveillon. Elle nous dit de poser nos sacs à l'entrée et de nous mettre à l'aise dans la cuisine au bout du couloir. "Ah non s'il-vous-plaît, sans les chaussures !"
On s'adapte à l'étiquette turque et on laisse nos chaussures vers la porte d'entrée. Dans la cuisine, les restes du Nouvel An sont encore visibles. Des verres et des bouteilles, une théière presque vide, une fin de petit-déjeuner traînent sur le comptoir. Assis·es à une petite table, un couple fume autour d'un cendrier. La fumée flotte dans l'air, mais le sol est propre : tout le monde est en chaussettes.
Une ville centralisée
Contrairement à Istanbul qui étale ses différents quartiers sur des kilomètres et sur deux continents, Ankara semble assez "centralisée". Il y a le centre historique, le vrai centre où tout le monde va manger ou boire un çai, et des quartiers résidentiels très calmes.
On nous avait dit qu'Istanbul était appelée "la ville qui ne dort jamais" (très original1). À l'opposé, Ankara est plutôt du genre à aller se coucher à une heure raisonnable.
Lors d'une soirée, on tente tout de même de s'éloigner du centre où tout se passe. On avait repéré un centre commercial qui a un cinéma avec des films en anglais. On saute sur l'occasion (et dans un bus) pour aller explorer par là-bas.
Le quartier où on atterrit semble assez morne. Il y a un ou deux petits commerces, mais surtout des petites maisons — tout est très vide. Bon, c'est pas grave, on va faire un tour dans le centre commercial comme prévu.
On a une impression étrange en entrant, quelque chose semble différent de d'habitude. Il y a un portier avec un smoking et un chapeau haut-de-forme, un gigantesque sapin de Noël illuminé, une dame en robe et talons aiguille qui joue du piano... Serait-on dans un mall de luxe ?
En entrant dans notre salle de cinéma, on voit très vite qu'elle est à l'image du reste de l'endroit. Voyez plutôt :
On se disait effectivement que les billets étaient un peu chers. En tout cas, on a bien profité de cette séance !
L'anglais à la trappe
À Istanbul, les gens parlent souvent anglais, aucun problème à se faire comprendre pour commander à manger par exemple. À Ankara, capitale apparemment moins touristique, c'est une tout autre histoire. Notre anecdote la plus frappante de cette barrière de la langue se déroule à la poste.
Notre objectif est simple : acheter quelques timbres pour envoyer une carte postale. En entrant, il faut commencer par prendre un billet pour entrer dans la file d'attente. Bien évidemment, c'est une machine moderne avec plusieurs options, et tous les boutons sont en turc.
Heureusement, un garde (ou réceptionniste) est là pour nous aider. Il ne parle par contre pas un mot d'anglais et notre turc est limité à "bonjour", "merci", "deux thés", "l'addition svp" et des noms de plats.
Vu qu'on n'a pas très faim, on décide d'utiliser notre arme secrète : Google Translate. On a téléchargé l'application pour faire des traductions anglais-turc sans internet.
→ Premier essai : "stamp" en anglais donne "möhür" en turc
Le garde regarde le mot affiché sur notre téléphone et nous répond tout un tas de choses en turc. Il nous demande finalement : "passport?". On se demande pourquoi il veut nos passeports et on réalise qu'il croit qu'on parle d'un tampon de passeport (aussi "stamp" en anglais). On secoue fortement de la tête et on se met à mimer le timbre, la carte postale à envoyer, etc. Il n'a pas l'air de plus comprendre qu'avant. (Franchement, vous avez déjà essayé de mimer un timbre ? Si c'est pas le cas, on vous invite à vous y mettre dès maintenant !)
→ Deuxième essai : "postal stamp" en anglais donne "posta pulu" en turc
Ah, ça a l'air d'être plus correct, les yeux du garde s'illuminent ! Pour confirmer cet impressionnant passage de la barrière de la langue, il nous tend son téléphone avec la page d'un moteur de recherche affichée. On cherche "stamp" et on lui montre des photos de timbres-poste. On se sourit, content·es de s'être bien compris. (Bien sûr, on aurait pu commencer par ça, mais où serait le plaisir de tous ces malentendus ?)
→ Troisième essai : et rebelotte
Le garde nous pointe la caisse. On y va et on se rend compte qu'il est resté à la réception. On répète toute l'aventure de demander des timbres à l'agente qui ne parle toujours pas anglais.
Rassurez-vous, tout est bien qui finit bien ; ils vécurent heureux après avoir finalement pu acheter ces timbres-poste.
Les visites touristiques
Le deuxième jour, on fait les attractions touristiques. Pour commencer, le Musée des civilisations anatoliennes — c'est-à-dire LE musée (d'archéologie) du pays. En effet, la Turquie semble très fière de son héritage historique et de tous les empires qui ont contribué à faire de cette région ce qu'elle est aujourd'hui.
On voit plein de poteries, bols et assiettes de l'âge de bronze à l'ère ottomane, comme quoi eux aussi ils aimaient manger.
Dans l'après-midi, on traverse la vieille ville et on va visiter une des attractions les plus importantes du pays : Anıtkabir, le mausolée de Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la République de Turquie.
Mustafa Kemal Atatürk est adulé en Turquie. On voit son portrait partout : sur les billets de banque, en autocollant sur les caisses de tous les magasins, sur les murs et sur des bannières flottant au centre-ville. Des films à gros budget sont faits sur sa vie (en ce moment Atatürk 2 passe au ciné). Un vrai culte de la personnalité comme on en voit peu par chez nous. Il est d'ailleurs illégal d'insulter sa mémoire sous peine de prison. N. B. Si jamais, on ne veut surtout pas insulter sa mémoire, on dit juste tout ça pour information.
Le mausolée illustre bien cette ferveur adoratrice. En effet, la tombe de l'ancien président ne se résume pas qu'à un simple bâtiment (bien qu'imposant). Il s'inscrit comme pièce centrale dans un gigantesque domaine qui prend 30 minutes à traverser à pied.
Le parc est planté d'arbres offerts par différentes nations en symbole de respect et de paix. Il est aussi recouvert d'un gazon finement entretenu sur lequel il est formellement interdit de marcher — attention, des dizaines de soldats surveillent le moindre écart. Les chemins bétonnés mènent à des allées et escaliers de marbre, bordés de statues de lions. Et finalement, on arrive à la place centrale, où domine le mausolée, digne des plus grands temples romains.
Ce n'est pas tout. Toute personne visitant le domaine peut rendre hommage au père de la nation en visitant l'une des expos secondaires : le modèle miniature d'un train qu'il a pris, la limousine qui lui avait été offerte, des photos, lettres et objets personnels, etc.
Au final, la deuxième plus grande ville de Turquie nous a donné une tout autre impression qu'Istanbul. On se souviendra de grandes avenues un peu vides, de monuments imposants, et de malls de luxe.
Après deux jours à explorer les recoins (pas très cachés) d'Ankara, on continue notre périple vers l'est en direction d'Amasya. Mais ça, c'est une autre histoire.
— clara & robin villes surnommées "la ville qui ne dort jamais" par ordre alphabétique (de Wikipedia) : Barcelona, Berlin, Beirut, Buenos Aires, Cairo, Mecca, Chicago, Dhaka, Dubai, Karachi, Lagos, Las Vegas, London, Madrid, Madurai, Manila, Moscow, Mumbai, Rio de Janeiro, São Paulo, Shanghai, Valencia ↩Footnotes