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1, 2, 3, Shymkent
Halte dans la petite ville sans prétention entre Tachkent et Almaty
Notre passage à Shymkent marque notre retour au Kazakhstan. "Retour" est peut-être un peu exagéré car on aura seulement traversé (en mode express) l'extrémité ouest du pays avant d'arriver en Ouzbékistan.
Nous voilà quelques semaines plus tard à l'extrémité est. On passe la frontière Ouzbékistan – Kazakhstan direction Shymkent, 1'200'000 habitants, deuxième ville du pays.
1 frontière
Dans nos passages de frontières mémorables, on compte :
- la traversée en cargo de la Caspienne entre l'Azerbaïdjan et le Kazakhstan
- l'arrivée en train à la douane turque, sur une plateforme remplie de chats semi-domestiqués
- une douane perdue dans le brouillard sur un trajet de bus de 24 heures entre Hà Nội et Vientiane, en 2018
- le passage raté de la frontière entre l'Albanie et le Kosovo, en 2016 (mais ça, c'est une histoire pour un autre jour)
On n'aurait pas pensé ajouter à cette liste la frontière qui sépare Tachkent de Shymkent... et pourtant.
Sur papier, aller de Tachkent à Shymkent n'est pas très compliqué. Ça se résume en : métro – bus – douane – taxi partagé. On vous explique.
Pour le métro, c'est facile. Il y a bien le contrôle des sacs à l'entrée, mais comme on a beaucoup été à cette station ces derniers jours, les gardes nous connaissent et jettent à peine un regard à nos gros sacs de voyage. On prend la ligne verte jusqu'à l'arrêt Shahriston.
Le bus 169 s'arrête juste à côté de l'arrêt Shahriston. On a juste le temps d'acheter quelques snacks frits pour le petit-dej avant de sauter dans le bus. Ne faites pas l'erreur de débutant de Robin et attendez l'arrivée de l'assistant chauffeur (en charge des billets) pour taper votre carte bancaire sur la machine — ça évite des histoires ("si si, on a déjà payé !").
Arrivé·es à la douane (le terminus), on suit la foule entre deux barrières. On ne comprend pas pourquoi tout le monde nous dépasse — on va tous au même endroit, non ? C'est quand on arrive dans un gigantesque hall que tout s'explique : ici, c'est chacun·e pour soi. Le concept de "queue" n'existe plus, on est dans une compétition où chacun·e essaye d'arriver à la douane avant les autres, et tous les coups sont permis.
On passe la "sécurité" la plus risible du monde (deux sacs sur trois passent tout droit à côté du détecteur à rayons X), et parvient à se faire un chemin jusqu'au début d'un semblant de file. Il faut maintenant essayer d'y rester. À tout moment, une personne se trouvant sur notre droite/gauche/arrière tente de nous dépasser "en douce". On a assisté à quelques techniques avancées de dépassement :
- Le bébé qui pleure — Une maman secoue son bébé pour le faire pleurer. Elle insiste ensuite pour passer à l'avant de la file, pendant que le bébé hurle dans vos oreilles. Très efficace : on l'a vu au moins quatre fois.
- L'assistant de la maman — Quand un bébé se met à pleurer, l'assistant entre en jeu. Il va aider la maman et son bébé à faire leur chemin vers les douaniers. Une fois arrivé à l'avant, l'assistant y reste.
- La maman en confiance — Une maman va directement poser son passeport et celui de ses enfants sous le nez d'un douanier, un bébé sur la hanche. Elle demande à passer TOUT DE SUITE jusqu'à ce que le douanier cède.
Vu qu'on n'avait pas de bébé sous la main (Robin a bien essayé de chouiner un moment), on a passé 45 minutes dans la file avant de finalement arriver devant un douanier. On présente les certificats de toutes nos nuits passées en Ouzbékistan et, bien en règle, on passe la douane.
Du côté kazakh, il y a cinq files bien distinctes et ordonnées, les douaniers parlent anglais, on passe en 10 minutes chrono : "Welcome to Kazakhstan".
Après la douane, on tombe sur les échangeur·ses de monnaie et conducteurs de taxi. On change nos derniers som ouzbeks en tenge kazakhs à un taux imbattable.
Pour la fin du trajet, on prend un taxi partagé jusqu'à Shymkent. Ce sera notre négociation la plus fructueuse d'Asie centrale : deux sièges pour 7000 tenge jusqu'à notre hôtel. (On voit par la suite que deux dames qui parlent kazakh payent 4000 tenge par personne. Très satisfaisant.)
2 pieds dans l'eau
De nos trois jours à Shymkent, deux sont pluvieux. On a droit à un véritable déluge : l'eau de pluie coule à flot dans les fossés de drainage, beaucoup débordent et inondent les routes, c'est le chaos.
On fait notre chemin jusqu'au café le plus proche (15 minutes à pied, ça en prendra 30) sous la pluie battante. Les voitures sont coincées dans des bouchons. Les piéton·nes essaient de déterminer le chemin le plus sec et se suivent, zigzagant entre les files de véhicules, marchant en équilibre sur les murets, sautant au-dessus des flaques... pour inévitablement tomber en plein dedans.
3 stops journaliers
Malgré la pluie, on a plutôt aimé Shymkent. Notre chambre d'hôtel — une "Junior Suite", c'est-à-dire qu'il y a une petite table avec deux fauteuils à côté du lit — nous paraît le luxe absolu après celle de Tachkent (deux lits simples entre quatre murs en tôle). Notre petite routine journalière y est aussi pour beaucoup.
Premier stop
Une bonne surprise : notre hôtel donne directement sur un grand marché local. On déambule entre les stands de nan frais, légumes, vêtements et gadgets en tous genres pour aller chercher des samsa tout juste sortis du four tandir. Cette atmosphère de marché, grouillante de vie, de mouvements et d'odeurs nous ravit.
Deuxième stop
Avant et/ou après l'activité du jour, on ne manque jamais de s'arrêter à un café. (Prétendez au moins un peu de surprise, SVP.) On repère vite LE meilleur café du coin, où on s'installe comme à la maison.
On y bouquine, fait des recherches pour la suite du voyage, écrit des articles. Et bien sûr, on fait le plein de caféine !
Troisième stop
Le café, c'est pour la tête et pour le cœur, mais il nous faut encore remplir nos estomacs. Le soir venu, on choisit inévitablement une cantine koryo-saram. Habituellement, c'est le kuksi (dans sa variante chaude ou froide) qui l'emporte aux côtés des autres options du menu.
On n'aura finalement pas passé beaucoup de temps à Shymkent — un arrêt initialement choisi pour faciliter notre trajet entre Tachkent et Almaty (l'autre option étant un train direct de 17 heures qui part à 4:30 du matin de Tachkent : non merci). On est très content·es d'avoir pu découvrir une partie de cette petite ville !
Avec ou sans la pluie, elle nous aura charmé·es par sa taille, son marché, ses cafés et ses cantines.
Un dernier saut (au-dessus d'une flaque) et on se retrouve à Almaty !
— clara & robin