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Au cœur des rizières de Yuanyang
Qui dit qu'il ne faut pas marcher dans sa nourriture ?
Après un mois en Chine, on sait à quoi s'attendre dans les lieux touristiques : grands parkings bétonnés, queues interminables, téléphériques, plateformes panoramiques, etc.
Autant dire qu'on a quelques appréhensions avant d'arriver aux fameuses rizières en terrasse de Yuanyang (元阳, Yuányáng)...
Twist : malgré quelques plateformes panoramiques (il en faut bien), Yuanyang est une des régions les plus calmes et agréables qu'on ait traversé en Chine.
Dodo dans la sérénité
On prend une chambre triple avec So dans un petit hôtel très confortable. Les murs de la salle de bain ne sont PAS vitrés (seulement la porte) ! Ça commence bien.
On est surpris·es de croiser très peu de touristes dans notre village de Huangcaoling (黄草岭, Huángcǎolǐng) pendant notre première soirée.1 On profite de ce calme pour explorer le village et les rizières alentours.
Alors que le soleil descend sur l'horizon, on se balade en équilibre sur les bords des rizières, jusqu'au moment où on voit un monsieur devant nous s'arrêter subitement et abattre son seau en plastique sur un serpent. Il nous fait signe de faire demi-tour, on obéit immédiatement.
Au retour, on regarde beaucoup nos pieds, qui nous paraissent très vulnérables dans leurs sandales. On arrive vivant·es à un petit resto avec vue et après cette expérience de mort imminente2, la bière chinoise pas chère a encore meilleur goût.
Lever de soleil à Duoyishu
Pour une fois, et malgré leur inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO en 2013, pas besoin de ticket d'entrée pour visiter les rizières en terrasses de Yuanyang. Mais il faut bien faire tourner la machine, et il y a donc quelques belvédères payants réputés comme ayant les plus belles vues des rizières. À en croire les guides, il faut ABSOLUMENT voir le lever de soleil depuis le belvédère de Duoyishu ET le coucher de soleil depuis le belvédère de Bada.
On a payé ce fameux ticket d'accès aux belvédères, et pour être honnêtes, ça ne vaut pas les 70 yuans par personne3 : en explorant un peu, il est facile de trouver des points de vue tout aussi magnifiques loin des plateformes panoramiques, et surtout loin des touristes !
Randos dans les rizières
Après avoir regardé le soleil se lever sur la vallée de Duoyishu (check), on prend le petit-dej à l'hôtel, remplit une bouteille d'eau, met une casquette, et part à l'aventure.
Notre carte indiquait un chemin de rando à travers les rizières jusqu'au village de Azheke (阿者科, Āzhěkē). Quand on dit "à travers les rizières", on veut bien dire "à travers les rizières" : on suit comme on peut la trace GPX qui nous fait marcher sur les minuscules digues de terre sèche qui séparent les bassins.
Évidemment, on finit par se perdre (est-ce qu'on est censé·es longer ce bassin-ci ou ce bassin-là ? Rien n'est indiqué bien sûr). On a de la chance : un agriculteur a pitié de nous et nous dit de l'accompagner. Il est en petites sandales et on a de la peine à suivre son rythme malgré nos chaussures de marche solides : il nous fait descendre, monter, redescendre en équilibre entre deux bassins, marcher dans un petit ruisselet, et nous amène finalement à une section du chemin bétonnée — on est de retour sur l'itinéraire.
On le remercie abondamment et on continue seul·es, avant de se perdre à nouveau dix minutes plus tard. On demandera notre chemin à beaucoup de monde ce jour-là ("Azheke ?" en pointant une direction du doigt), presque toujours à des agriculteur·trices qui labourent leurs rizières avec un buffle, reconstruisent une petite digue écroulée (celles sur lesquelles on marche, ça donne confiance) ou plantent des jeunes pousses de riz.
Vous n'imaginez pas à quel point c'est difficile de trouver le bon chemin quand il y en a des centaines, et qu'ils zigzaguent dans tous les sens entre les bassins.
Le lendemain, on fait une autre rando de Qingkou (箐口, Qìngkǒu) jusqu'au belvédère de Bada (坝达观景台, Bàdá guān jǐng tái). Les vues ressemblent à celles de la veille — des rizières —, mais cette fois (1) le chemin est plus ou moins bien indiqué, (2) on traverse la forêt, (3) on ne se fait mordre par aucun serpent, et (4) on échappe tout juste à la pluie en se réfugiant sous un pavillon.
Marché à Niujiaozhai
On complète ces randos dans les rizières par des balades dans les villages. Les poules sont omniprésentes, mais on voit aussi...
Le matin du deuxième jour, on prend un minibus partagé6 pour visiter le village de Niujiaozhai (牛角寨, Niújiǎozhài) qui accueille quelques fois par semaine un marché que les touristes appellent le "marché des minorités" (parce que des membres de plusieurs minorités ethniques de la région s'y retrouvent).
Robin et So échangeraient bien un morceau de tofu contre un café. (Clara préfère s'abstenir quand il s'agit de café instantané.) Seul problème : personne n'en sert une seule goutte. Heureusement, on trouve des sachets dans un petit supermarché et demande de l'eau chaude à un restaurant, qui accepte gentiment et nous en donne dans un saladier. Il n'y a pas de tasses (c'est un restaurant de nouilles) mais il y a des bols et des cuillères. Ça fera l'affaire.
Le soir, de retour à notre village fatigué·es après la rando et l'attente d'un minibus, on partage comme les autres jours un repas à base de riz rouge de Yuanyang (évidemment) avec différents plats végétariens à choix (légumes sautés, tofu, œufs, cacahuètes). Robin, seul homme du groupe, a la "chance" d'être invité à trinquer à l'alcool de riz (très fort et pas bon du tout) par d'autres touristes chinois.
Nous qui nous attendions à des rizières-musée, Yuanyang nous aura étonné·es en bien ! On a adoré pouvoir marcher au milieu des rizières encore entretenues et exploitées par des locaux, et assister à la vie animée des villages.
Après trois jours, So repart vers le nord où elle va traverser le Tibet dans le sens inverse. On part vers le sud : après un mois en Chine, on prend un dernier bus qui nous amène jusqu'à la frontière vietnamienne.
Zài jiàn et xin chào !
— clara & robin Notre hypothèse : la majorité des touristes viennent en car touristique ou en voiture à la journée et ne restent pas la nuit, d'où le calme en soirée. ↩ On s'informe sur internet par la suite. Apparemment, ces serpents de rizières aiment sortir chasser le soir et sont "légèrement venimeux" (source : Wikipédia). ↩ Pour vous donner une idée, 70 yuans, c'est le prix d'une nuit d'hôtel pour deux dans la région. ↩ Le xian de Yuanyang est composé à 90% d'ethnies minoritaires. Les Hani y sont en majorité, suivis de groupes comme les Yi, les Miao, les Yao, les Zhuang, les Dai, et autres. On a lu quelque part que la langue Hani (tibéto-birmane), et non pas le chinois (langue sinitique) est la lingua franca dans la région. ↩ Plus d'infos sur l'article de la BBC The marvel of China's multi-generational rice terraces. ↩ C'est le transport principal de la région. Des petits minibus privés à six places (mais où on peut serrer huit personnes en ajoutant un petit tabouret entre les sièges) font des allers-retours entre les villages, et on peut les arrêter n'importe où pour négocier un trajet. 10 yuans par personne pour un court trajet (environ 15 minutes), pour un trajet plus long on négociait 50 yuans pour nous trois. ↩Footnotes